Poésie réunionnaise/Linvitasion o voyaz
Linvisation o voyaz / L'invitation au voyage
[modifier | modifier le wikicode]Une version réunionnaise de "L'invitation au voyage" de Charles Baudelaire.
Première pensée. Coralie redécore ce poème de Baudelaire. Elle a l'impression que le français est plus rond et doux avec ses lettres arrondies, ses doubles consonnes, ses sons amortis. Le créole est pimenté par ses k à chaque coin de phrase et ses accents et séduit par son écriture sonore comme san (chant, champs, sans, sang, cent, ...).
Mon zanfan, mon sèr, |
Mon enfant, ma sœur, |
La, tout lé k’lord é boté, |
Là, tout n'est qu'ordre et beauté, |
Dé troi meb luizan, |
Des meubles luisants, |
La, tout lé k’lord é boté, |
Là, tout n'est qu'ordre et beauté, |
Su kano déor |
Vois sur ces canaux [sur les canaux dehors] |
La, tout lé k’lord é boté, |
Là, tout n'est qu'ordre et beauté, |
Français vers Créole. Un poème contient à la fois un rythme qui l'anime, un sens qu'il transporte et des rimes qui le colorent. Le retranscrire est un problème à trois dimensions. Le rythme du poème est figé. Ce sont sur les rimes qu’on gagne alors un petit peu de flexibilité avec quelques substitutions mineures où le mot sœur devient sèr et le mot en-semble devient an-sanm, mais aussi quelques majeures avec les rimes en mysté-rieux qui deviennent simplement mys-tèr ou encore ca-naux se métamorphosant en dé-or. L’alexandrin se conserve malgré tout. Enfin, avec les deux dimensions précédentes contraintes, il ne reste plus que la dernière dimension, la dimension du sens, sur laquelle agir et garder la forme du poème. De la même manière, quelques substitutions de sens mineures apparaissent et confèrent une sonorité créole avec songer qui devient agout, et des devenant dé-troi. Finalement, d'autres substitutions de sens majeures sont quasiment imposées par les dimensions du rythme et des rimes comme "Le koulèr lo san i rovèt bann san" (la couleur du sang revête les champs) à la place du "soleil couchant" qui peut peut-être faire penser aussi aux travaux difficiles d'autrefois dans les champs de cannes.