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Philosophie/Nietzsche/La culture grecque

Un livre de Wikilivres.

Les principaux écrits de Nietzsche relatifs à la culture grecque sont :

  • La Naissance de la Tragédie
  • La philosophie à l'époque tragique des Grecs
  • L'État chez les Grecs
  • La joute chez Homère
  • Le drame musical grec
  • Socrate et la tragédie
  • La vision dionysiaque du monde
  • Crépuscule des idoles : « Ce que je dois aux anciens »

À ces écrits, s'ajoutent de nombreux aphorismes et fragments.

L'importance de la culture grecque

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La culture grecque a fortement influencé la culture européenne. Les Romains étaient friands de cette culture grecque et les pays de langue latine en sont les héritiers. Historiquement, ce n'est pas la plus ancienne civilisation, mais celle dont la langue est encore enseignée. La langue des anciens égyptiens est une langue totalement morte, bien que Champollion ait réussi à décrypter les hiéroglyphes, et on ne connaît pas tous les ressorts de cette écriture très ancienne qui pouvait avoir jusqu'à sept niveaux d’interprétation.

La philosophie grecque

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L'exposé le plus long sur la philosophie grecque est La philosophie à l'époque tragique des Grecs. Nietzsche y étudie les philosophes Présocratiques, et cherche à en découvrir la personnalité à travers les quelques témoignages qu'il nous reste sur eux. Cette étude permet de mieux comprendre ce qu'est pour Nietzsche un philosophe, et la place qu'il occupe dans une civilisation.

Les Grecs et la politique

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L'État chez les Grecs (1872) est une interprétation de la cité idéale de Platon. Certaines des thèses que Nietzsche y exprime sont des thèses qu'il soutiendra toute sa vie et qu'il ne cessera de développer. Elles peuvent être formulées ainsi :

  • Le travail est un avilissement ;
  • L'esclavage appartient à l'essence de la civilisation ;
  • La dignité du travail et la dignité de l'homme sont des mensonges inventés par des esclaves ;
  • La guerre est nécessaire à l'État ;
  • L'État est un instrument, non une fin.

La thèse fondamentale de Nietzsche à propos, non seulement de l'art grec, mais également de tout art en général, est que l'art est le seul facteur justifiant la vie et qu'il oppose et associe les figures dionysiaque et apollinienne. Ces deux figures artistiques naissent de l'ivresse. La première est l'ivresse de la décharge d'énergie, la seconde est une ivresse purement visuelle. Par la suite, Nietzsche y ajoutera une troisième forme : la force de la volonté qui se manifeste dans l'architecture. Cette force est une forme classique de l'art, forme qui se pose par elle-même en ne cherchant jamais à plaire.

C'est dans la Naissance de la tragédie que Nietzsche expose pour la première fois la dualité d'Apollon et de Dyonisos.

La tragédie naît selon Nietzsche de l'orgiasme dionysiaque : extériorisations incompréhensibles des pulsions populaires. Les hommes sont en extase, i.e. hors d'eux-mêmes, ils se sentent ensorcelés par le dieu. Ces manifestations de folie populaire n'ont pas seulement existé dans l'Antiquité, on les retrouve chez les danseurs de St. Guy.

L'art est, selon Nietzsche, un pont entre deux impulsions symbolisées par des dieux : Apollon et Dionysos. La tragédie attique est l'accouplement de ses deux impulsions qui se combattent sans cesse.

Ces deux dieux s'expriment primitivement comme des forces de la nature qui se passent du travail de l'artiste. Elles jaillissent au sein du rêve et du délire. L'opposition de ces forces ne doit pas être exagérée : elles produisent des effets bien différents, mais possèdent quelques points communs. Dans les dernières œuvres de Nietzsche, ces forces semblent même être absorbées dans le seul élément dionysiaque, au point que certains commentateurs ont pu soutenir que le dionysiaque était l'élément originel dont l'apollinien est seulement dérivé.

Apollon est le dieu brillant, prophète, qui représente les arts plastiques, le rêve, la belle apparence, le plaisir des formes. Cette beauté de l'apparence n'exclut pas la représentation de sentiments déplaisants. Mais le caractère esthétique qui s'en dégage embellit la vie, et encourage les hommes à vivre. C'est là pour Nietzsche son aspect nécessaire : sans Apollon, la vie ne serait pas digne d'être vécue.

L'esthétique d'Apollon est la mesure, le calme de la sagesse, la grâce. Au milieu des tempêtes de l'existence, l'aspect solaire et paisible d'Apollon est sublime.

Dionysos est l'ivresse, ivresse des narcotiques, du printemps qui abolit la subjectivité des fous de Dionysos. Dionysos est la volupté de la nature spontanément surabondante. C'est une maladie populaire qui se retrouve dans plusieurs civilisations. Le principe dionysiaque dissous l'individualité et permet à l'homme de renouer avec la nature et l'humanité : c'est le mystère de l'Un originaire qui ensorcelle tous les êtres et les font danser tous ensemble. L'homme devient l'œuvre d'art d'un dieu.

Décadence de la tragédie

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La tragédie est morte tragiquement ; son agonie a nom Euripide (Socrate et la tragédie). Selon Nietzsche Euripide a en commun avec les poètes de la nouvelle comédie, de faire entrer le spectateur de la vie quotidienne sur la scène. Alors que les anciennes tragédies représentaient les héros dont l'idéalisation élève l'âme du spectateur, la tragédie d'Euripide représente le commun, le bas, elle est un miroir rhétorique de la vie des spectateurs qui s'y contemple. Ainsi Euripide a-t-il popularisé la tragédie, en faisant parler le peuple :

« J'ai introduit sur la scène des choses domestiques, qui sont usuelles et familières » (Aristophane, Les Grenouilles, v.959 - 961).

Il croyait ainsi lutter contre la décadence de la tragédie, tragédie qui, selon Nietzsche, était en réalité déjà morte. Fort de cette croyance, il crût que l'effet de l'art n'était pas adapté au public athénien. Il conçut alors une forme d'art, dont la loi, selon Nietzsche, peut être exprimée ainsi comme la loi d'une esthétique rationaliste : Tout doit être de l'ordre de l'entendement pour que tout puisse être entendu. Euripide envisage ainsi de manière critique toutes les parties de l'art : le mythe, la structure dramatique, la musique, la langue, etc.

Par exemple, Euripide dévoile toute l'intrigue dans le prologue de ses pièces, contrairement à Eschyle et Sophocle, qui, dans les premières scènes, font subtilement comprendre aux spectateurs ce qui doit se produire.

Ainsi Euripe est-il le premier dramaturge à concevoir une esthétique consciente : « Tout doit être conscient pour être beau », principe qui le fait proche de Socrate.

Socrate fut, dans la tragédie, et dans le drame musical en général, l'élément de sa dissolution. Socrate est selon Nietzsche un personnage anti-tragique. La décadence de la tragédie s'exprime dans les pièces d'Euripide, ami de Socrate, dont on rapporte qu'il aida le dramaturge pour la composition de ses œuvres.

Nietzsche discerne plusieurs traits de l'évolution de la tragédie qui en montrent la décadence :

  • l'érudition, le savoir conscient : l'art perd son impulsion dionysiaque. L'équilibre de la lutte tragique est rompu ;
  • le spectacle devient un jeu d'échecs, une intrigue bourgeoise, i.e. que le raisonnement et l'examen y sont introduits :
« De tels sentiments, c'est pourtant moi qui les inculquai à ceux-ci, en introduisant dans l'art le raisonnement et l'examen ; si bien que désormais on sait concevoir toutes choses, distinguer, et notamment tenir sa maison, ses champs et son bétail mieux qu'auparavant en y regardant bien : "Comment va cette affaire ? Pourquoi ? À quoi bon ? Qui ? Où ? Comment ? Quoi ? Qui m'a pris cela ?" » (Aristophane, Les Grenouilles, v. 971 - 979)
  • la rhétorique l'emporte sur le dialogue : les personnages deviennent bavards et artificiels ;
  • la dialectique envahit les héros de la scène
  • l'esprit de la musique est perdu ;
  • Euripide introduit le spectateur dans la tragédie : ce spectateur, c'est Socrate.

L'interprétation nietzschéenne de la mythologie grecque

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