La science de la finance/Le système financier mondial
(en cours d'écriture. Ce sont seulement des notes de travail. Les conclusions sont provisoires et sujettes à révision. Il n'y a pas encore de plan d'ensemble.)
Chaque économie nationale peut être considérée comme un agent économique qui interagit avec les autres autres économies. Ses achats sont des importations, ses ventes sont des exportations. Elle peut aussi emprunter aux autres pays, ou au contraire leur prêter, ou leur confier des fonds. Mais la diversité des monnaies complique la situation. En général, les agents achètent avec la monnaie du vendeur et vendent avec leur propre monnaie. Pour commercer, ils doivent donc échanger les monnaies les unes contres les autres.
Le risque de change et la monnaie unique
[modifier | modifier le wikicode]Lorsque le taux de change est variable, c'est à dire flottant ou réajustable, les agents sont confrontés à un risque de change. Une entreprise importatrice très profitable peut devenir déficitaire si sa monnaie se déprécie. Inversement une entreprise exportatrice est durement touchée par une appréciation de sa monnaie. L'existence d'une monnaie nationale a donc un effet protectionniste, si les taux de change ne sont pas fixes. Les résidents sont avantagés par rapport aux non-résidents parce qu'ils n'ont pas à supporter le risque de change.
Une monnaie unique annule le risque de change. Elle est équivalente à des taux de change fixés une fois pour toutes. Elle met tous les agents de la même zone monétaire sur un pied d'égalité. Elle intensifie la concurrence. Elle est une forme extrême d'antiprotectionnisme.
Faut-il haïr le protectionnisme ?
[modifier | modifier le wikicode]Les avantages comparatifs
[modifier | modifier le wikicode]Lorsque le commerce est bien développé, chacun a intérêt à se consacrer principalement aux activités dans lesquels il est le plus productif. C'est le principe des avantages comparatifs. Il ne s'agit pas d'être plus productif que les autres, d'avoir un avantage absolu sur eux, mais seulement de choisir les activités qui nous rapportent plus que les autres activités dont nous sommes capables. L'activité choisie est optimale relativement, comparativement, aux autres activités possibles.
Il est dans l'intérêt général que chacun choisisse les activités les plus productives, parce que cela améliore la productivité de l'ensemble de l'économie. Mais si chacun choisit indépendamment des autres l'activité où il croit être le plus productif, comment tous les besoins pourront-ils être satisfaits ? Il n'y a pas de raison que l'offre réponde de façon satisfaisante à la demande.
Lorsque les agents évaluent leur productivité, ils doivent tenir compte des conditions dans lesquelles ils exercent leur activité. Les prix informent sur la demande et la rentabilité potentielle. En choisissant les activités les plus productives, les agents n'ignorent donc pas la demande, ils s'efforcent au contraire de s'y adapter.
Le protectionnisme contre la destruction créatrice
[modifier | modifier le wikicode]Le protectionnisme est destiné à « protéger » les producteurs résidents contre la concurrence des producteurs extérieurs. Des barrières tarifaires et règlementaires ont souvent été imposées dans ce but. Parmi les résidents seuls les producteurs concurrencés par les importations en profitent vraiment, tous les autres subissent une perte, en tant qu'acheteurs, parce qu'ils sont privés des produits extérieurs et de leurs prix avantageux. Les producteurs extérieurs subissent également une perte, parce qu'ils sont privés de la clientèle résidente.
En mettant des entraves au commerce le protectionnisme nous prive de gains potentiels à l'échange. Il empêche les agents de profiter pleinement de leurs avantages comparatifs. Les économies qui commercent ont intérêt à se spécialiser dans les secteurs où elles sont les plus productives. Leur productivité bénéficie alors à tous.
Si une économie choisit le protectionnisme elle ignore le coût imposé aux exportateurs des aux autres économies. C'est un cas d'externalité négative. Si toutes les économies choisissent simultanément le protectionnisme, le commerce international chute dramatiquement et tous les exportateurs de tous les pays sont lésés. Finalement tout le monde y perd, parce que tout le monde se prive des gains à l'échange.
Lorsque des producteurs résidents sont confrontés à une nouvelle concurrence extérieure, des entreprises auparavant profitables peuvent devenir déficitaires et être alors obligées de fermer leurs portes. Les coûts économiques et sociaux peuvent être considérables. Si on croit aux vertus de l'économie de marché, on peut répondre avec Schumpeter qu'il s'agit d'une destruction créatrice. Lorsque des entreprises sont arrêtées, de nouveaux moyens matériels et humains sont rendus disponibles pour de nouveaux projets plus productifs. Mais on n'est pas obligé d'y croire, parce qu'un système économique fondé sur la propriété privée est profondément injuste et qu'il se soucie très peu de ceux qu'il laisse sur le carreau.
Le dumping social
[modifier | modifier le wikicode]La compétition ne favorise pas toujours les agents qui recherchent la meilleure productivité. S'il y a une compétition internationale, elle favorise les employeurs qui bénéficient d'une législation et d'une taxation qui les avantagent. La protection des travailleurs ne nuit pas aux employeurs, elle profite à tous, y compris à eux, parce qu'elle est nécessaire à la prospérité, mais s'ils ne font pas tous face aux mêmes obligations, certains sont désavantagés dans la compétition. Le commerce international favorise ainsi les pays où les travailleurs sont les moins protégés et les profits les moins taxés.
Si on laisse faire la logique marchande, la compétition internationale incite tous les pays à renoncer à la protection des travailleurs et à la taxation des profits. C'est ce qu'on appelle le dumping social, comme si on jetait les protections sociales à la poubelle. Cela montre que la logique marchande n'est pas toujours dans l'intérêt général. La recherche individuelle du profit peut être nuisible pour tous. Dans de tels cas, les agents ont intérêt à s'entendre, la coopération est créatrice de valeur.
Les zones monétaires optimales
[modifier | modifier le wikicode]Les États ont-ils intérêt à adopter une monnaie commune ou à conserver leur indépendance monétaire ?
Une zone monétaire est optimale (Mundell) lorsque pour tous les États membres les bénéfices d'une monnaie commune sont supérieurs à ses coûts.
La suppression du risque de change et la simplification des paiements internationaux sont de nature à favoriser le commerce et peuvent être comptés comme un bénéfice, mais l'intensification de la concurrence qui en résulte est un bénéfice ou un coût selon que la destruction par la compétition est créatrice ou non, et selon l'existence d'un dumping social.
L'abandon d'une politique monétaire indépendante est un coût, mais son importance est difficile à évaluer, et dépend des circonstances.
Soient deux économies A et B et comparons deux situations. Dans la première, elle partage une monnaie commune, dans la seconde, elles ont chacune leur monnaie et le taux de change est flottant, c'est à dire qu'il équilibre l'offre et la demande sur un marché des changes où les banques centrales n'interviennent pas. On ignore le reste du monde. Supposons que A connaisse un épisode de plein-emploi et de surchauffe tandis que B souffre du sous-emploi. On suppose que l'inflation est initialement maîtrisée.
Dans la situation à deux monnaies, la banque centrale de A resserre les cordons du crédit et fait ainsi monter les taux d'intérêt, ce qui doit refroidir la surchauffe, la banque centrale de B desserre les cordons du crédit, en créant de la monnaie, et fait ainsi baisser les taux d'intérêt, ce qui doit relancer l'activité. Si les capitaux sont mobiles, cette différence de taux d'intérêt attire les capitaux de B dans l'économie A. Cela augmente la demande de monnaie A sur le marché des changes et conduit donc à son appréciation. Cette variation du taux de change favorise les exportations de B vers A et défavorise celle de A vers B, ce qui relance l'activité de B au détriment de celle de A.
Dans la situation à une monnaie. La banque centrale commune à A et B n'intervient pas. La tendance inflationniste de A est compensée par la tendance déflationniste de B et il n'y a donc pas de raison de faire varier les taux. A et B pâtissent alors de leur monnaie commune parce qu'ils perdent les bénéfices d'une politique monétaire contracyclique. L'inflation augmente dans l'économie A et la déflation menace dans l'économie B. Si rien ne vient corriger ce déséquilibre, les deux économies pourraient beaucoup en souffrir.
Si les échanges commerciaux entre deux économies sont faibles, les bénéfices d'une monnaie commune sont faibles également, et les coûts peuvent être très élevés, deux telles économies ne forment donc pas une zone monétaire optimale.
Si les échanges entre les deux économies sont intenses, ils peuvent exercer l'effet contracyclique perdu par l'abandon des politiques monétaires indépendantes. La tendance inflationniste de A et la tendance déflationniste de B favorisent les exportations de B vers A et défavorisent celles de A vers B, ce qui refroidit la surchauffe de A et réchauffe le refroidissement de B. Si les capitaux sont mobiles, il devrait aller de A vers B, parce que la surchauffe de A y limite les opportunités d'investissement tandis que le refroidissement de B libère des potentialités. Si les travailleurs sont mobiles, s'ils peuvent émigrer facilement, les hausses de salaire dûes à la surchauffe de A les y attire, ce qui réduit les déséquilibres de A et de B.
En présence d'une monnaie commune, la mobilité du capital a un effet stabilisateur, si les investisseurs sont rationnels et s'ils voient les opportunités nouvelles. En revanche, avec deux monnaies séparées, la mobilité du capital de B s'oppose à la volonté de la banque centrale de A de resserrer le crédit, à celle de B de le desserrer.
Avec deux monnaies séparées, les incitations à émigrer, qui compenseraient le déséquilibre, sont plus faibles qu'avec une monnaie unique.
Avec deux monnaies séparées, le déséquilibre conduit, par la variation du taux de change, à une hausse de l'ensemble des prix de A par rapport à ceux de B, comme des bateaux dans un même port qui montent avec la marée. Avec une monnaie unique, la variation des prix de A par rapport à ceux de B est beaucoup plus différenciée. Les secteurs les plus surchauffés, ceux où la demande est la plus forte, connaissent les plus fortes hausses de prix. Or les prix fonctionnent comme des indicateurs, qui incitent à offrir, ou à demander, ou en dissuadent. Les variations différenciées des prix de A par rapport à ceux de B permettent aux agents de B d'adapter leurs projets à ceux de l'économie A. Ils sont incités à offrir ce que A demande le plus. Deux monnaies séparées défavorisent donc le commerce parce qu'elles privent les agents d'une partie de l'information par les prix.
Si la politique monétaire est bien conduite, et en l'absence de catastrophes, l'inflation devrait être toujours maîtrisée. De faibles variations de taux d'intérêt peu élevés peuvent suffire pour stabiliser les prix. Dès que l'objectif de base, la maîtrise de l'inflation est atteint, la marge de manœuvre d'une banque centrale est relativement faible. S'il faut relancer une économie qui souffre du sous-emploi, la baisse des taux d'intérêt a un effet limité, parce que les taux sont déjà en général assez bas, et qu'on ne peut pas les baisser beaucoup plus.
Si les échanges commerciaux, y compris mais pas nécessairement la mobilité des capitaux et des travailleurs, à l'intérieur d'une zone monétaire sont importants, ils peuvent être plus efficaces pour réduire les déséquilibres entre États que des politiques monétaires indépendantes.
S'il n'y a pas de problème de dumping social, si l'inflation est déjà maîtrisée, si les échanges commerciaux sont importants, ou s'ils peuvent le devenir, et si l'intensification de la concurrence est plus créatrice que destructrice, les États ont vraisemblablement intérêt à adopter une monnaie commune. Ils bénéficieront à la fois d'une inflation maîtrisée, de taux d'intérêt peu élevés, de la suppression du risque de change et d'une meilleure information par les prix pour développer leurs échanges commerciaux.