Art indien
L'ART INDIEN
Pour comprendre l'art de la Tradition sacrée brahmanique. | ||
Ce faisant, la culture indoue offre une grande vision à tous les amoureux d'esthétiques. Or, comment ne pas faire remarquer que l'Inde, malgré son « un milliard d'habitants », reste une inconnue, et ce, en Occident même, qui se prétend pourtant « phare du monde » : mais la « lumière scientifique » occidentale sert plutôt à nous aveugler qu'à nous éclairer – ou à nous guider vers une plus juste vision de tout ce qui nous entoure ; si tel était le cas, tout individu né en Occident aurait la possibilité de constater que la culture dans laquelle il est né, et les certitudes – dans tous les domaines – de cette même civilisation, sont parfaitement, et en tout point, relativisables. Ce n'est pas un mince mérite de la part de l'Inde : elle démontre que la civilisation occidentale est intrinsèquement « ethnocentré » ; même encore aujourd'hui : ce n'est pas en concevant des « musées des arts premiers » que la donne changera ; voler des éléments culturels « primitifs », pour la faire valoir à son profit, alors que les descendants de ces mêmes cultures violées, par la colonisation européenne « judéo-chrétienne » et l'islamisation, sont stigmatisés par des démocraties qui, hier, au dix-neuvième siècle, en tant que démocratie parlementaire, étaient chefs de file de l'« esclavage-élevage humain » (États-Unis d'Amérique), du « racisme scientifique » et de la colonisation – ce « pré-nazisme-à-l'exportation » – (Grande-Bretagne, France (dont le tenant est le « bon » Jules Ferry, moins connu pour ses discours pro-colonialistes d'un racisme abject), – voilà un constat odieux.
Pour en revenir à l'Inde, qui après l'occupation islamique doit affronter le capitalisme occidental mondialisé, le bon sens serait pour la culture hindoue d'« euthanasier » en sacrifice pour les dieux une civilisation occidentale si pathogène. La civilisation hindoue n'a que son art et son artisanat pour se protéger des attaques « économiques » dans un règne mondial de l'Économie (sanctifiée seulement pour elle-même), après celui, en Europe, des Églises et des États. Car l'art, comme fer de lance de toute culture, est révélateur des rapports politiques du monde. Et de ses victimes ; et de ses acteurs.
Mais là n'est pas notre sujet. Car, heureusement, l'Art est aussi un au-delà. Qui échappe. En conséquence, notre sujet sera d'étudier cet art hindou, Multiple et Unique comme le panthéon indien, Art considéré dans son pays de naissance, aujourd'hui, et il y a des millénaires, comme un instrument de connaissance, au même titre que les mathématiques, la métaphysique, ou la philosophie. Cet ouvrage va donc tenter, par le biais d'analyses et de développements rigoureux, concernant des œuvres incontournables jusqu'à l'artisanat le plus familier, de nous rendre plus apte à saisir dans toutes ses spécificités, toutes ses vérités, toute sa richesse, l'art hindou, en sachant qu'il ne peut être compris correctement seulement si l'on sait s'immerger dans l’atmosphère du « pays des dieux » – en renonçant même à ses réflexes conceptuels – ; nous nous permettrons bien des Correspondances, à tous les niveaux, mais cela est indispensable pour nous plonger dans la profondeur de la plus « mythique » des cultures, et qui se trouve être aussi, – mais peut-être n'est-ce-pas là un paradoxe –, la plus pérenne face au Temps, souriant à l'Histoire sans désirer se l'approprier.
Car, et c'est là une ligne directrice dont nous démordrons pas, si la civilisation hindoue artistique veut être vue dans sa qualité propre, il faudra mettre résolument entre parenthèses le monde Occidental (et son pendant islamique). Et le mettre en défaut. Non pour remplacer l'« ethnocentrisme » occidental (qui lui est consubstantiel) par un « ethnocentrisme » hindou, mais pour faire valoir l'aspect fondamentalement Multiple de cette culture polythéiste du Sud-Est asiatique : souvenons-nous que le dogmatisme n'est pas et ne peut pas être hindou (ou brahmanique, védique), car il est toujours défini que la Vérité absolue, totale, est impossible à atteindre : aucune sagesse hindoue prétend détenir La vérité ; mais, en revanche, l'intégralité de ces sagesses hindoues prétendent toutes mener à la Délivrance du Monde phénoménal, empirique, historique, temporel, éphémère – transitoire et en cela douloureux –, qui est identifié au Cycle des renaissances, Libération qui est souvent issue d'une attitude de renoncement : le vrai Sage, bien qu'enveloppé de sa vérité qui lui a permis de Voir l'Ultime d'en haut, doit renoncer à sa vérité afin de ne pas s'enfermer dans un dogmatisme quelconque, qui serait synonyme d'échec.
Cela nous permet d'ailleurs de montrer ce qui est plus spécifiquement « orthodoxe » ou « hétérodoxe » dans la sphère brahmanique ou « hindoue » (rappelons-nous que les « hindous » – les païens ou non-mahométans de l'Inde – ont été baptisés de la sorte lors du début de l'occupation islamique) : l'« hindouisme » en tant que tel est « orthodoxe », dans le sens où « ses » courants philosophiques, théistes et dévotionnels, respectent l'autorité de la Tradition, celle qu'incarne le(s) (quatre) Véda(s), le Savoir sacré, Tradition où est défini le principe premier du « non-dogmatisme » justement : les voies de Salut sont, et doivent être, Multiples. C'est là la différence essentielle d'avec les courants hindous « hétérodoxes » (jaïnisme, bouddhisme, sikhisme), qui rejettent le(s) Véda(s) en tant qu'autorité philosophique, et, ce faisant (c'est un choix que nous n'avons pas à juger ici), se considèrent comme la vraie forme de Salut, les autres étant de « faux » chemins ; (le jaïnisme a néanmoins une approche agnostique de la Vérité ; mais ce courant hindou « hétérodoxe » prônant l' Ahimsâ (« nolonté de faire souffrir le vivant »), « non-violence » commune aux impératifs brahmaniques, considère, ou plutôt, – chacune des sectes jaïnes, se considère comme seule permettant le Salut). Telle n'est pas la position hindoue « orthodoxe », où l'on considère que de multiples voies de Salut existent et sont valables en tant que telles, et peuvent coexister ensemble, gardant leur pureté ou s'interpénétrant ; il en est de même du panthéon indien : être dévot de telle ou telle divinité hindoue ne sous-entend pas, pour l’hindou, le rejet génocidaire d'une autre « divinité ». Parfaitement polythéiste, l’hindouisme est aussi hénothéiste ; (et il suffit de connaître les poèmes du dévot (bhakta) Toukarâm pour comprendre que l’hindou est aussi monothéiste, et agnostique, et panthéiste, et panenthéiste, etc...).
Si ce discours préliminaires se teinte d'une certaine agressivité, c'est que l'art est sans doute le premier indicateur du nivellement irrésistible de la Culture au niveau mondial, selon le diktat économique vivant depuis plusieurs siècles en « électron libre », nivellement qui n'est certainement pas le signe d'une sorte de « Renaissance universelle », mais au contraire qui incarne la « civilisation-faite-cancer » : j'en reviens à l'Occident. Et je pointe le malaise qu'induit la mentalité occidentale, la mentalité « égalitaire-pour-les-“nôtres” » du judéo-christianisme – ayant quelques racines en Grèce, avec le « très-marxiste » Platon, et puis les cités-nations-dédaignant-démocratiquement-leurs-métèques –, (sans oublier « l'athéo-agnosticisme-positiviste » : création récente de la culture judéo-chrétienne ; idéologie athéo-positiviste se positionnant par rapport à la métaphysique de la civilisation judéo-chrétienne et qui en cela est une idéologie « judéo-chrétienne » : son Ombre), la mentalité nivellatrice islamiste ou la mentalité « xénocidiaire » nationaliste, toutes ces mentalités (qui trouvent leur trait-d'union, si je puis dire, dans leur haine des « Autres-Différents-et-minoritaires-à-jamais » : leur haine des homosexuels), toutes ces mentalités disais-je, étant, au fond, osons-le dire, – similaires, se renforçant l'une au regard de l'autre, comme les organes d'un corps malade basé sur trois principes généraux qui tiennent de l'obsession : l'amour de la Jalousie ; la volonté d'annihiler l'Autre – puisqu' intrinsèquement ne pouvant pas tolérer ce qui est Différent – ; et enfin, la volonté de réduire l'Autre et Soi-même à une Naissance, ou plus précisément aux seuls Conditionnements historiques, sociaux, temporels, génétiques : réduire l'être à son aspect éphémère (le temps bref d' une seule vie !), sans se soucier de ce qu'est l'être, et Être.
L'Occidental peut bien gouailler le « Cynique » hindou (le Chien n'est-il pas un animal associé à Shiva-Terrible, le dieu Ascète ?), – l'ascète itinérant et non-violent, le mendiant sacré, le vagabond saint, celui-là préférant épargner la vie d'un simple moustique (génétiquement un Autre-très-Différent, ce moustique ! – un Cousin très lointain de mon Moi, de mon corps et de mon esprit (« corps subtil »), mais métaphysiquement : une âme (le Soi), comparablement et exactement similaire à notre âme, âtman), cet ascète préférant éloigner le Cousin d'un mouvement de main, plutôt qu'en l'écrasant juste parce qu'il vient de le piquer... il peut bien gouailler à son sujet, l'Occidental, mais je lui rappelle que ce n'est pas à cet ascète hindou, ce « surhomme » là, errant comme hors de la société (car la fin de la société traditionnelle hindoue est de montrer sa non-suffisance : et d'indiquer, par le truchement des brâhmanes, qu'il n'y a de rencontre avec l'Ultime que « hors de la société », c'est-à-dire en abandonnant un rapport limité et limitable d'avec le Monde, pour devenir l' Or de la société), ce n'est pas à l'ascète hindou à qui l'on doit les nivellements atroces faisant de l'Occident la « civilisation des génocides » ; (et de tous les Génocides, de par sa loi économique et de par sa logique soi-disant « raisonnable » ; génocides comprenant les animaux-non-humains aussi : « De la figure du génocide il ne faudrait ni abuser ni s'acquitter trop vite. Car elle se complique ici : l'anéantissement des espèces, certes, serait à l’œuvre, mais il passerait par l'organisation et l'exploitation d'une survie artificielle, infernale, virtuellement interminable, dans des conditions que des hommes du passé auraient jugées monstrueuses, hors de toutes les normes supposées de la vie propre aux animaux ainsi exterminés dans leur survivance ou dans leur surpeuplement même. Comme si, par exemple, au lieu de jeter un peuple dans des fours crématoires et dans des chambres à gaz, des médecins ou des généticiens (par exemple nazis) avaient décidés d'organiser par insémination artificielle la surproduction et la surgénération de Juifs, de Tziganes et d'homosexuels qui, toujours plus nombreux et plus nourris, aurait été destinés, en nombre toujours croissant, au même enfer, celui de l'expérimentation génétique imposée, de l'extermination par le gaz et par le feu. Dans les mêmes abattoirs. [1] » — Jacques Derrida, l'animal que donc je suis).
Néanmoins, loin de moi l'idée de prétendre que les hindous soient dépourvus de ces tares « totalitaristes » ou « génocidaires », (demandons-nous quand même en quoi l'Inde actuelle demeure « hindoue », après tant de siècles – un millénaire ! – de mépris de sa culture et de son peuple, car on ne peut nier que certains « hindous » aient finalement cédés inconsciemment aux stéréotypes mentaux imposés, ou découlant, des invasions islamiques et occidentales...), mais il est important de rappeler qu' en soi, intrinsèquement, la Culture hindoue (ou brahmanique, védique, ârya, « Noble » en sanskrit) n'a aucun besoin, ni aucune volonté, de réduire la Multiplicité des formes de la culture humaine : bien au contraire ; (je rappelle que dans l'optique de l’hindouisme orthodoxe, il n'y a pas plus d'« hindous » que de « non-hindous », il y a des êtres qui naissent et sont conditionnés par le groupe social auxquels ils appartiennent, phénomène inévitable au sein de toute société, et que les Occidentaux ont surnommés « castes », comme si eux-mêmes étaient dépourvus de conditionnements historiques et sociaux relativisables ; – suffisance que ne se permettrait jamais un brâhmane, je le précise).
Alors, si le monde « occidental ou judéo-chrétien », « islamiste », bref « nationaliste(s) » (je veux dire : toute cette mentalité attachée aux Conditionnements, à l'hérédité historique et temporelle, temporaire, réduisant strictement [je souligne] les êtres vivants ou un « type de créatures » à leur γενεςις (genesis) [2], à leur « Naissance », à leur lieu de naissance, à leur « Nation », à leur héritage passé ou futur, voire, ou même surtout, à leur gènes, à cette prédestination immonde de l'être, réduit dans ce Néant illusoire, illusion soi-disant « scientifique »), si ce monde là est le seul valable aux yeux des médias et du « citoyen-consommateur », attachons-nous à faire valoir le monde hindou, son Art, pour faire apparaître aussi toutes ces cultures oubliées, de la culture pré-coloniale-américaine violée à mort, dans sa totalité, au monde « bouddhique » prisonnier des nationalismes étatiques et militaristes, en passant par la culture nègre et océanienne laissées pour mortes par l'Occident et l'Islamisme : souvenons-nous d'un futur souriant ; et, pour une fois, permettons-nous de voir comme dérisoires la suffisance des cultures intrinsèquement nivellatrices, « médiocre », dans le sens large du terme. Osons être absolument anti-totalitariste, – sous-entendus compris. Aimons plutôt l' étrangeté de l'Inconnu. Qui est aussi celle de l'Art, de tout Art. Tout artiste est étranger à son art.
Et de l'Art, de cet art, nous essayerons d'en faire une vision la plus compréhensive possible ; cet ouvrage a la volonté d'être une référence dans le domaine de l'esthétique de « l'art hindou ». Des penseurs occidentaux de référence seront présents aussi pour nous apporter leur réflexion : pas d'œillères, mais un goût pour le « Multicolore » qui est celui de la Lumière. Le simple lecteur, tout comme le chercheur, doivent y trouver matière à la découverte et à l'amour de l'art du sous-continent indien (et de l'Asie « hindouïsée », de par le passé (Afghanistan, par exemple), ou encore aujourd'hui (île de Bali, qui demeure un reste de l'animisme indonésien, tandis que l'hindouisme est un « animisme brahmanique ».), voire même avec l'œil moderne d'un sculpteur comme Brâncusi, inspiré par l'Orient et par sa culture roumaine si riche de son folklore ancien (issu des ethnies indo-roumaines « manouches », (manushya signifiant « Homme », en hindi/sanskrit) : l'Europe doit apprendre à se re-con-naître dans le fait qu'aucune Culture n'est, et ne sera jamais, une dure frontière, un mur d'orgueil et d'indifférence [1].
Comme il s'agit d'un livre refusant l’attribution de quelconque(s) droit(s) d'auteur(s) – comme il se doit sur ce site –, chacun peut, évidemment, compléter les textes, les améliorer ou encore les illustrer.
Néanmoins, puisque ce livre se veut utile avant tout à un public d'étudiants et de chercheurs, tout travail proposé devra être le fruit d'une composition savante, qui, dans son développement, devra éviter de manquer de références, d'exemples, si ce n'est d'engagements intellectuels originaux, afin d'éviter à la fois une étude sans fondement, – ou particulièrement ennuyeuse pour ses lecteurs. L'art hindou – qui souhaite tous nous enchanter – mérite d'être vu dans son inaltérable et divine poésie.
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Ganesh, Dieu protecteur des lettres et des sciences (dont les arts plastiques).
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