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Photographie/Netteté des images/Pouvoir séparateur des objectifs

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Netteté des images photographiques


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Le regretté Chenz aimait à dire : « Il y a trois sortes d'objectifs : ceux que j'utilise, ceux que je tolère entre les mains de mes amis et ceux que je conseille à mes ennemis ».

La détermination du pouvoir séparateur d'un objectif peut se faire par des moyens relativement simples et peu coûteux. On peut la conseiller aux photographes désireux de mieux connaître leur matériel et ses limites en vue d'une utilisation optimale. Elle permet aussi de tester les possibilités offertes par l'association d'un objectif avec un complément optique, de déceler la présence d'un vice caché tel qu'un mauvais centrage des lentilles, par exemple sur un matériel d'occasion, ou encore de vérifier si un objectif « accidenté » n'a pas trop souffert.


Aage Remfeldt, photographe et portraitiste norvégien, né et mort au Danemark (1879-1983), pose ici devant sa vieille chambre photographique munie du « nouvel » objectif Zeiss de 489 mm qu'il acheta en 1918.
Il serait intéressant de comparer les performances de ce « caillou » historique aux fabrications modernes pour constater les progrès accomplis.


Pour estimer rapidement la qualité d'un objectif, on peut photographier un sujet comportant de fins détails (journal déplié, carte routière…). Cependant, pour réaliser des mesures dignes de ce nom, il faut opérer dans des conditions précises et utiliser des « mires » spécialement conçues à cet effet. Les mires destinées à l'étude du pouvoir séparateur comportent toujours un certain nombre d'objets constitués de traits dont les dimensions correspondent autant que possibles à des normes précises, de façon que les tests pratiqués soient reproductibles.


Une réalisation typique est constituée d'un ensemble de groupes de trois traits parallèles séparés par des intervalles de même largeur. La taille de ces groupes décroît selon une progression régulière. La période, ou pas, est la distance des axes de deux traits consécutifs. Un élément de mire est un ensemble de traits de même période et de même orientation. Un groupe élémentaire de mire est un ensemble d'éléments de même période différemment orientés.

Une mire est une collection de groupes élémentaires de même contraste mais de périodes différentes. La fréquence (ou fréquence spatiale) d'un groupe élémentaire de mire est l'inverse de la période, donc le nombre de traits par unité de longueur.

On peut photographier une telle mire sur une émulsion très fine, puis examiner les clichés avec une forte loupe ou un microscope. Si l'on désire des résultats indépendants des caractéristiques de la surface sensible, et si l'on dispose de l'équipement approprié, il vaut mieux analyser directement l'image aérienne fournie par l'objectif. Il n'est pas recommandé d'opérer sur des agrandissements car trop de défauts seraient alors cumulés.


Plus les éléments de mire sont fins, moins leurs images sont nettes. La limite de résolution linéaire est la distance qui sépare les axes de deux traits consécutifs, sur l'axe de l'image de l'élément de mire, lorsque cette distance est juste suffisante pour percevoir ces traits et les compter en nombre égal à ceux de l'élément de mire. Elle dépend des propriétés de l'objectif mais aussi du contraste de la mire, de la densité de l'image développée, de son traitement, ...

Le pouvoir séparateur est l'inverse de la limite de résolution linéaire : par exemple, si cette dernière est de 0,02 mm, le pouvoir séparateur est de 50 traits par mm.

De nombreux types de mires ont été proposés, qui doivent toutes être utilisées dans des conditions bien précises.


Présentation typique des résultats

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Les résultats des tests de pouvoir séparateur sont généralement publiés sous forme de graphiques. Voici ce que l'on peut obtenir en fonction de l'ouverture de diaphragme n avec un mauvais objectif, à gauche, un moyen, au centre et un bon, à droite. Le pouvoir séparateur est toujours plus élevé au centre de l'image que sur les bords. Il est généralement plus faible aux grandes ouvertures à cause des diverses aberrations et toujours plus faible aux petites ouvertures à cause de la diffraction. Certains objectifs de haut de gamme fournissent cependant d'excellentes prestations dès l'ouverture maximum. À titre indicatif, la zone grise correspond aux performances moyennes des films d'environ 400 ISO.


Voici plusieurs décennies, les tests de pouvoir séparateur étaient à la mode. Les mauvaises langues disaient même que bien des objectifs prestigieux achetés par certains amateurs aussi maniaques que fortunés n'avaient jamais rien photographié d'autre que des mires ! Sans tomber dans ce travers, il faut bien reconnaître que les objectifs des années 1960-70 n'étaient pas tous excellents, loin de là, et que l'on avait quelques bonnes raisons pour les tester. Aujourd'hui, les "culs de bouteille" sont plus rares mais pour autant, ils n'ont pas complètement disparu.

Contrairement à d'autres méthodes qui demandent un savoir-faire et un équipement hors de portée de l'amateur, la photographie de mires ne présente pas de grosse difficulté.

Utilisation des mires

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La mire normalisée représentée ci-dessus comporte huit groupes de mire de taille décroissante comportant chacun quatre éléments orientés à 45° les uns par rapport aux autres.

De façon classique, on utilise neuf mires identiques placées sur un tableau rectangulaire : une au centre, quatre vers les milieux des côtés, quatre dans les coins. En principe, ce tableau est photographié depuis une distance égale à 100 fois la distance focale de l'objectif. Cela donne par exemple 1,7 m pour un 17 mm, 5 m pour un 50 mm ou 30 m pour un 300 mm. Il faut alors du recul !

Cette distance n'est pas choisie au hasard, elle correspond aux conditions de prise de vues les plus courantes. Avec un objectif grand angulaire, on opère souvent de près par manque de recul ou parce qu'on veut meubler un paysage avec un premier plan. Avec un objectif standard on photographie très souvent des scènes situées à quelques mètres. Avec un puissant téléobjectif, au contraire, on cherche à « rapprocher » des scènes plus éloignées. Dans certains cas on ne peut opérer qu'à des distances plus faibles, par exemple pour des objectifs médiocres. La qualité des objectifs « macro » s'apprécie évidemment à très faible distance mais il faut alors utiliser des mires et des procédures spécialement adaptées.

La mire doit être fortement éclairée par des lampes flood, des torches à halogènes, ... de façon à faciliter la visée. Afin de réduire l'influence de la lumière parasite sur l'image finale, il est préférable d'utiliser des mires à traits blancs sur fond noir éclairées par derrière, mais cette méthode est rarement pratiquée, pour des raisons d'encombrement et de coût. En décalant légèrement la mise au point dans un sens et dans l'autre on peut vérifier par la même occasion la qualité du viseur ou de l'autofocus. Si cette variation de mise au point donne des résultats différents, on ne retient évidemment que les meilleurs, pour ne pas prendre en compte des défauts qui ne sont pas dûs à l'objectif.

L'axe optique doit être très exactement perpendiculaire au tableau et passer par son centre. Un support parfaitement stable s'impose pour éviter tout risque de bougé. L'exposition se fait de préférence en réglant l'obturateur en pose B ou T et en masquant et démasquant l'objectif à l'aide d'un volet en carton noir, ce qui évite les vibrations dues à l'obturateur et à la remontée du miroir des appareils reflex. On peut aussi opérer dans un local entièrement noir et exposer, objectif ouvert, en allumant les lampes pendant un temps déterminé.

Il faut toujours éviter les temps de pose « intermédiaires », de l'ordre de 1/4 à 1/30 s, pour lesquels les vibrations dues au mouvement du miroir et de l'obturateur se font le plus sentir. Ceci vaut également pour la photographie courante.

La prise de vues se fait obligatoirement sur un film à grain fin développé dans des conditions rigoureuses et constantes pour permettre des mesures comparatives. Malheureusement, après la disparition du Kodachrome 25 et de l'Ektar 25 en couleurs, de l'Agfapan 25 et du Technical Pan Kodak en noir et blanc, le choix est maintenant très limité, mais il faut reconnaître que les films modernes de 100 ISO sont de bien meilleure qualité que leurs aînés de même sensibilité.


L'examen direct de l'image est toujours préférable mais il nécessite une très forte loupe ou mieux un microscope, le meilleur grandissement étant d'environ 30 à 40 fois. Faute de mieux, on peut aussi utiliser un agrandisseur équipé d'un très bon objectif ; l'image est alors observée à l'aide d'un vérificateur de mise au point mais cette méthode n'est pas très précise.

Tracé et interprétation des courbes de pouvoir séparateur

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Pour obtenir les valeurs du pouvoir séparateur il faut faire correspondre les dimensions de la mire avec celles de son image. C'est très simple si la distance entre la mire et l'objectif à tester est égale à 100 fois la distance focale de ce dernier, le grandissement est alors très voisin de 1/100e et le pas de l'image de la mire est donc 100 fois plus petit que celui de la mire elle-même. Si les traits les plus fins visibles sur une image viennent d'éléments de mire de pas 2 mm, le pas de l'image est de 0,02 mm, la limite de résolution vaut 0,02 mm et le pouvoir séparateur 50 traits par mm.


Les éléments de mire dont les traits sont tangentiels (à gauche) donnent le pouvoir séparateur radial ; inversement, avec des traits radiaux (à droite), on obtient le pouvoir séparateur tangentiel. Pour un même objectif, ces valeurs sont presque toujours différentes dans une zone donnée.

Le pouvoir séparateur est généralement meilleur au centre de l'image que sur les bords et meilleur également dans le sens radial que dans le sens tangentiel. Pour la plupart des objectifs, la fermeture du diaphragme améliore les résultats en limitant l'effet des aberrations, puis les dégrade en faisant apparaître de la diffraction. Les optiques de très haute qualité donnent leurs meilleurs résultats dès la pleine ouverture mais sont soumis, comme les autres, à la diffraction.

Le bon objectif Rokkor 3,5/75 testé par Photo-Ciné-Revue (c'est une antiquité ...) doit autant que possible être utilisé au diaphragme 11 !
Les spécialistes de la photo en faible lumière cassent parfois leur tirelire pour acheter un objectif très lumineux. Or, un tel "caillou" n'est vraiment intéressant que s'il est bon à pleine ouverture, ce qui n'est pas toujours le cas ! Bien des objectifs modernes se comportent comme ce Pancolar testé par Photo-Ciné-Revue, qui donnait une netteté remarquablement homogène au diaphragme 11 mais très faible à 2 et 2,8 et pitoyable à 1,4. La possibilité de faire de mauvaises photos se paie parfois très cher ! Pour un coût très inférieur, des objectifs un peu moins lumineux donnent une netteté au moins aussi bonne aux ouvertures moyennes.
La conclusion est inverse pour l'excellent Zuiko Auto S 1,8/38 testé par Photo-Ciné-Revue, grand angulaire lumineux destiné au reportage et qui offrait ses meilleures performances à pleine ouverture. Les ravages de la diffraction à faible ouverture sont évidents et avec une telle optique, si la luminosité est forte, il vaut mieux adopter un temps de pose très court que fermer le diaphragme.


Les objectifs modernes ont eux aussi des comportements variés, tout comme les anciens ... Naturellement, l'aptitude à donner des ima­ges nettes n'est qu'une qualité optique parmi d'autres. Ainsi, par exemple, un objectif donnant des images très "piquées" mais fortement distordues sera inutilisable en photo d'architecture.


Limites des tests de pouvoir séparateur

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Tout d'abord, le chiffrage du pouvoir séparateur est très subjectif puisqu'il fait appel à une estimation par des observateurs humains. Les résultats peuvent changer sensiblement d'une personne à l'autre. Les valeurs obtenues dépendent de nombreux facteurs, en particulier des rapports entre la largeur et la longueur des traits et entre les largeurs des traits blancs et noirs. Par ailleurs, les tests font appel à des structures périodiques qui posent d'autres problèmes, en particulier si les résultats sont établis à partir d'images sur films.

Si le pouvoir séparateur du film ou du capteur est inférieur à celui de l'objectif testé, les mesures n'auront aucune valeur ! Si les deux pouvoirs séparateurs sont voisins, il est clair que l'on testera le film en même temps que l'objectif. Les normes en vigueur préconisent l'emploi de mires très contrastées favorisant l'obtention de valeurs élevées pour le pouvoir séparateur. Il est donc normal qu'en opérant avec les moyens du bord (mire en papier punaisée au mur …) on obtienne des résultats moins flatteurs.

La première limite des tests décrits précédemment réside dans le fait que les courbes ne caractérisent pas seulement l'objectif testé, mais plutôt l'ensemble constitué par cet objectif, le boîtier qui le porte, l'émulsion, les produits de traitement utilisés, éventuellement l'opérateur, sans oublier le contraste de la mire, qui est un élément fondamental. Il s'agit là d'un point particulièrement important : le film Kodak Eastman Positive, par exemple, permet d'atteindre un pouvoir séparateur de 200 traits par mm à partir d'une mire éclairée par transparence dont les traits blancs sont 1000 fois plus lumineux que les noirs (contraste de 3) mais si le rapport des luminances des traits tombe à 1,6 (contraste de 0,2), ce qui est beaucoup plus représentatif des situations réelles, le pouvoir séparateur de cette émulsion n'atteint plus que 100 traits par mm. Pour le Kodachrome II jadis utilisé pour tester les objectifs des caméras Super-8, avec les mêmes contrastes de mire, les valeurs étaient respectivement de 95 et 30 traits par mm. Ce résultat est presque immédiatement transposable au comportement des capteurs numériques.

Dans un lot d'objectifs en principe identiques, les résultats des mesures peuvent être très différents d'un exemplaire à l'autre. Si le test est fait sur un seul exemplaire, l'honnêteté intellectuelle la plus élémentaire conduit à fournir son numéro de série. Si l'on souhaite une valeur vraiment représentative du lot, il faut tester un nombre suffisant d'exemplaires pour que l'exploitation statistique des résultats soit fiable. S'il s'agit de super-téléobjectifs coûtant chacun le prix d'une petite voiture, on y regardera évidemment à deux fois !

C'est pourquoi les « tests de pouvoir séparateur » publiés par certaines revues n'ont en général aucune valeur !!!! Il s'agit le plus souvent de résultats de seconde main plus ou moins habilement exploités. D'ailleurs ces revues ne disposent d'aucun moyen de mesure digne de ce nom et se gardent bien de fournir des références opératoires précises et a fortiori des valeurs numériques ...

Indépendamment de ces problèmes d'éthique, les tests de pouvoir séparateur présentent un grave défaut : ils ne prennent pas vraiment en compte la façon dont l'œil perçoit les images. Un objectif doté d'un pouvoir séparateur élevé pourra très bien donner des images « molles », un autre fournira au contraire des images « vigoureuses » malgré un pouvoir séparateur plus modeste ... Ce paradoxe n'est qu'apparent ; en plus des caractéristiques purement physiques des images, toute étude relative à la netteté des images doit tenir compte de la manière selon laquelle l'œil perçoit et interprète les informations qu'il reçoit. C'est pourquoi les opticiens ont développé d'autres méthodes de test, hélas fort complexes et fort coûteuses, pour mieux évaluer les véritables performances des objectifs.

Images en réserve

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Netteté des images photographiques