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Planétologie/La planète Mercure

Un livre de Wikilivres.
Photographie de Mercure.
Comparaison de la taille de Mercure avec la Terre.

La planète Mercure est assez peu connue, compte tenu de son éloignement de la Terre et de sa proximité au Soleil. La majorité des connaissances sur Mercure proviennent non seulement de l'étude de son orbite, mais surtout des missions d'exploration. La première mission d'exploration, Mariner 10, date de 1973. La plus récente, Messenger, nous a donné un aperçu assez fidèle de sa surface.

Tableau récapitulatif des missions vers Mercure
Sonde Date Agence spatiale
Mariner 10 Lancement en novembre 1973, trois survols en 1974 et 1975. NASA
MESSENGER Lancement en août 2004, trois survols en 2008 et 2009. NASA

Première planète à partir du Soleil, elle est extrêmement petite, sans atmosphère, à la surface pleine de cratères. Elle n'a pas de satellite.

L'absence d'atmosphère de Mercure

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Mercure n'a pas d'atmosphère, en raison de sa petite taille. Sa gravité de surface n'est pas suffisante pour maintenir piégée une atmosphère digne de ce nom. La pression à la surface de Mercure est d'à peine atmosphères terrestres, soit 2 millièmes de milliardième de celle de la Terre.

La température de surface de Mercure : d'un extrême à l'autre

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Du fait de sa faible distance au Soleil, la température de surface est particulièrement élevée : +450°C lors de la journée. Heureusement que la température diminue durant la nuit, quoique la température de -150°C doit refroidir certaines ardeurs. S'il est naturel qu'il y ait une différence de température entre jour et nuit, la différence est particulièrement marquée sur Mercure, en raison de l'absence d'atmosphère.

Sur les autres planètes, l'atmosphère absorbe de la chaleur durant le jour et la restitue durant la nuit. Dit autrement, l'atmosphère met du temps à se refroidir et cela permet à la température de chuter moins vite et moins bas. Il y fait donc plus chaud la nuit que sans atmosphère. De plus, les vents peuvent redistribuer de la chaleur des zones éclairées vers les zones sombres, mais ce mécanisme est marginal. Mais sur Mercure, il n'y a pas d'atmosphère, ce qui fait que les variations jour-nuit ne sont liés qu'au Soleil. La surface est donc réchauffée durant le jour, mais se refroidit à vitesse grand-V la nuit. D'où ce contraste entre les +450°C de la journée et les -150°C de la nuit.

L'exosphère Mercurienne et la queue d’éléments volatils

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Si Mercure n'a pas d'atmosphère, les sondes Mariner ont bien observé la présence d'hydrogène et d'hélium autour de Mercure, qui sont apportés par le vent solaire. Dans un autre registre, on a aussi observé la présence de sodium et de potassium, mais qui proviennent eux de la surface de Mercure. Sous l'effet de la température, très intense sur Mercure, la surface se dégrade et émet divers composés volatils riches en Na/K. Mais rien de tout cela ne suffit à former une vraie atmosphère : ces éléments restent au voisinage de la planète durant maximum quelques jours, puis s'enfuient. Le tout forme une queue d’éléments volatils à l'arrière de Mercure, riche en Sodium, Calcium, Potassium, Magnésium, ...

Queue de Sodium émise par Mercure.
Queue de Calcium et de Magnésium émise par Mercure.

La surface de Mercure

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Pôle Sud de Mercure.

La surface de Mercure est entièrement criblée de cratères, ce qui signifie que Mercure est un astre géologiquement mort. Si la moindre activité géologique avait eu lieu, qu'il s'agisse de tectonique, de volcanisme ou d'érosion, elle aurait effacé les cratères. Leur présence indique donc que Mercure n'a pas de tectonique des plaques, de volcanisme ou d'érosion. Les seules zones où les cratères semblent avoir été partiellement effacés sont dispersées à la surface de Mercure et sont de petite taille. Elles se voient sous la forme de plaines sombres, formées lors d'épanchements volcaniques. Mais Mercure a peu d'épanchements de lave à sa surface, trop peu pour effacer beaucoup de cratères. La plupart des épanchements volcaniques sont situés dans les cratères, et se sont formés suite à l'impact. Mais on trouve aussi quelques épanchements de grande taille, qui ont pu recouvrir des zones assez importantes. Les épanchements de lave en question sont surtout localisés dans l'hémisphère nord. Les deux plus importants sont les plaines Budh et Tir (Budh et Tir planitiae).

Au niveau des pôles, des observations radar montrent des points brillants. Une hypothèse suppose que ces points sont des morceaux de glace, qui refléteraient la lumière et les ondes radar. La présence de glace ne semble pas vraiment compatible avec la température de la surface exposée au Soleil, qui la ferait fondre. La température est de +450°C lors de la journée, mais de -150°C la nuit. Il est cependant supposé que de la glace pourrait subsister dans certains cratères dont le fond n'est jamais exposé au Soleil. Cela expliquerait pourquoi la glace ne se trouve qu'au niveau des pôles.

Les cratères d'impact

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Les cratères de Mercure sont relativement "petits", mais certains se démarquent par leur grande taille. Le plus grand cratère de Mercure est le cratère nommé Caloris Planitia, un cratère de 1550 kilomètres dont le fond semble être rempli de lave solidifiée. À ce propos, l'impact qui a donné ce cratère aurait été si puissant qu'il aurait eu des répercussions aux antipodes. À l'opposé de ce cratère, de l'autre côté de Mercure, on trouve un ensemble de petits monticules d'assez grande taille, qui se démarque des terrains environnants. Il se serait formé suite à l'impact : les ondes sismiques de l'impact, les ondes de choc, se seraient propagées à la surface de la planète avant de se rejoindre aux antipodes. Leur concentration aux antipodes aurait donné naissance aux monticules, en raison de répercussions tectoniques locales. Mais revenons aux cratères de grande taille, qui ne se limitent pas au cratère Caloris. On peut aussi le cratère Rodin, beaucoup plus petit : 240 kilomètres de diamètre. Il est suivi par le cratère Ibsen, de 160 kilomètres de diamètre.

Les failles et plis de rétraction

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Faille Santa Maria.

Outre les cratères, on observe des failles, la plus impressionnante étant celle qui entoure la planète au niveau de l'équateur. La plupart ont une longueur de plusieurs centaines de kilomètres, avec une hauteur de plusieurs kilomètres. Ces fissures se sont probablement formées lors du refroidissement de Mercure. En se contractant suite à ce refroidissement, Mercure s'est fendue suite à ces contractions, donnant naissance à ces failles de rétractation. Cette contraction a aussi formé des plis de contraction sur l'ensemble de la surface de Mercure.

Les failles de rétraction coupent souvent les cratères sur leur passage, ce qui signifie qu'elles se sont formées après le cratère, une fois celui-ci mis en place. À l'inverse, certains cratères coupent la faille, la recouvre, ce qui signifie que la faille s'est formé avant. Ce faisant, on peut dater approximativement l'apparition des failles. Presque toutes les failles coupent des cratères, mais le cas inverse est beaucoup plus rare. Cela signifie que la formation de failles de rétraction est un évènement qui a eu lieu après la formation des cratères principaux, donc après le grand bombardement planétaire (pour rappel, ce dernier est une période d'intense bombardement météoritique qui a eu lieu au début des temps géologiques).

Faille Discovery.
Schéma de la faille Discovery.

De possibles traces de volcanisme

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Les planétologues se demandent s'il n'y aurait pas des traces de volcanisme sur Mars. Évidemment, ils ne recherchent pas de traces de volcanisme actif, Mercure n'étant pas censé avoir conservé de chaleur interne pour cela. Mais ils cherchent des traces de volcanisme ancien, qui n'aurait pas été effacé par les cratères d'impact. Outre les plaines volcaniques, il se pourrait que certaines structures volcaniques aient été détectées à la surface de Mercure. Si on observe certains cratères d'impacts, on trouve quelques structures de forme étrange, qui pourraient avoir une origine volcanique. Les scientifiques ont quelques soupçons sur les cratères Beckett, Picasso, Gibran et quelques autres.

Cratère Picasso : la structure centrale en forme de virgule serait d'origine volcanique.
Cratère Beckett  : la structure centrale en forme de virgule serait d'origine volcanique.
Possible volcan dans le cratère Caloris Planitia. Le cratère entouré de terrains blancs est potentiellement un volcan et non un cratère d'impact, au vu de ses pentes et de sa forme.

Les facules de Mercure

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Enfin, nous devons citer l'existence de tâches claires à la surface de Mercure, appelées des facules (Faculae). Peu de choses sont connues sur ces facules, mais on suppose qu'il s'agit de terrains dont la composition chimique est différente des terrains avoisinants, la différence de composition chimique entrainant une différence de teinte/couleur.

Faculae EN0223446257M
Faculae EN0238872351M
Faculae EW1024960452G (fausses couleurs)

La structure interne de Mercure

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Structure interne de Mercure.

L'étude de l'orbite donne des indications assez intéressantes sur sa structure interne. L’orbite de la planète dépend en effet de son moment d'inertie, qui dépend lui-même de la densité moyenne de la planète. Il apparaît que Mercure est un astre très dense, bien plus que la Terre ou les autres planètes telluriques : sa densité est de 5,42. La seule manière de rendre compte de ce constat est de supposer que le noyau de Mercure est énorme et prend la majorité du volume de Mercure, environ 42,8%.

La taille du noyau de Mercure

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Dans cette section, nous allons calculer la taille du noyau de Mercure. Pour cela, nous allons partir de l'égalité suivante, qui dit que la masse totale d'une planète est la somme de la masse du noyau et la masse du manteau (on néglige la croûte)  :

On peut alors remplacer la masse par le produit entre volume et masse volumique, ce qui donne :

Divisons alors par le volume total de la planète.

On sait que , ce qui permet d'écrire : . En faisant le remplacement, on a :

Développons :

Factorisons

Soustrayons des deux côtés :

Réorganisons les termes :

On peut alors résoudre cette équation en connaissant la densité de la planète et celles des divers composants du manteau et du noyau. Si on suppose que le manteau est composé essentiellement de silicates, sa densité doit être proche de celle des silicates, ce qui donne une densité de 3,34. Si on suppose que le noyau est composé de fer, sa densité doit être de 7,97. La densité de la planète est de 5,42. L’équation précédente devient donc :

Le calcul nous donne :

En clair, le noyau prend 42,8% du volume de la planète.

Avec le calcul précédent, on peut démontrer que le noyau doit avoir un rayon d'environ 1 830 kilomètres, à comparer aux 2 440 kilomètres du rayon de la planète. On en déduit que le manteau doit avoir environ 600 kilomètres d'épaisseur. Ces résultats sont compatibles avec le mécanisme de formation du système solaire vu dans le chapitre précédent. On a vu que les matériaux réfractaires se sont accumulées près du Soleil. Mercure étant la planète la plus proche, elle doit être riche en matériaux réfractaires, comme le fer et le nickel, qui composent son noyau. Cependant, la teneur en fer du noyau ne peut s'expliquer par ce seul mécanisme et d'autres hypothèses tentent de résoudre ce mystère. L'hypothèse la plus communément admise est que Mercure serait entré en collision avec un gros météore, l'impact ayant été assez puissant pour souffler une grande partie du manteau de Mercure.

Le noyau de Mercure serait partiellement liquide

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Divers arguments laissent penser que le noyau de Mercure serait encore liquide. L'argument principal est la présence d'un champ magnétique permanent, que nous aborderons dans la prochaine section. Mais l'étude de l'orbite de la planète va aussi dans ce sens. La vitesse de rotation de la planète durant sa période orbitale suggère que le manteau et le noyau ne tournent pas d'un seul bloc. La seule explication est que le noyau est liquide, du moins dans sa portion externe. L'étude du moment d'inertie donne aussi des arguments dans ce sens.

Structure interne de Mercure, détaillée, avec le noyau liquide.

Reste que le mécanisme qui permettrait au noyau de rester partiellement liquide est encore mal connu. Certains scientifiques supposent qu'il resterait des atomes radioactifs dans le cœur de Mercure, en quantité suffisante pour dégager de grandes quantités de chaleur. Mais ces atomes radioactifs, l'Uranium, le Thorium et autres, n'ont pas d'affinité chimique avec le Fer (ils ne sont pas sidérophiles). Le mécanisme est donc improbable. On peut aussi supposer que d'autres éléments auraient abaissé le point de fusion du noyau. Il est ainsi supposé que le noyau liquide contiendrait des éléments soufrés, comme du sulfure de Fer, qui abaisseraient son point de fusion. Enfin, il est supposé, d'après diverses simulations et théories, que les frictions internes causées par les forces de marées avec le Soleil sont à l'origine d'un échauffement interne suffisant pour faire fondre le noyau. Cette dernière hypothèse est de loin la plus crédible à l'heure actuelle.

Le champ magnétique de Mercure

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Mercure possède un champ magnétique assez faible, mais suffisant pour avoir été décelé par les instruments des sondes Mariner. Et c'est une chose qui a surpris les premiers scientifiques qui ont analysé les résultats de la mission Mariner. En théorie, Mercure n'est pas censée avoir de champ magnétique. Rappelons que pour qu'un champ magnétique se forme, il faut que son intérieur soit partiellement liquide, et que la planète tourne sur elle-même. Ces deux conditions permettent l'apparition d'un mécanisme de dynamo auto-entretenue, qui donne naissance au champ magnétique. Or, Mercure est censé ne pas respecter ces deux conditions. Déjà, son noyau est censé s'être totalement solidifié, vu que la planète a dissipé toute sa chaleur interne en raison de sa petite taille. Ensuite, la rotation de la planète est trop lente pour donner naissance à ces courants de convection et donc à u champ magnétique. Songez qu'une journée sur Mercure dure 88 jours terrestres !

Magnétosphère mercurienne.

Une première explication serait que le noyau solide de Mercure conserverait une aimantation rémanente. La planète aurait eu un champ magnétique durant sa jeunesse, quand son noyau était encore partiellement liquide. Le noyau solide, en se formant durant cette période, se serait aimanté et aurait conservé le champ magnétique de l'époque. Mais cette explication ne tient pas pour une raison simple : le noyau, bien que solide est trop chaud. Il faut savoir qu'au-delà d'une certaine température, appelée la température de Curie, un métal perd son magnétisme. Et sur Mercure, le noyau est au-delà de sa température de Curie. Or, le noyau de Mercure est censé avoir conservé une température supérieure à 770°c, ce qui correspond à la température de Curie du Fer. Donc, le noyau de Mercure ne peut pas avoir conservé une magnétisation permanente, à moins que quelque chose n'échappe aux scientifiques.

La seule explication à l'existence du champ magnétique est que le noyau de Mercure serait partiellement liquide. Cela expliquerait non seulement la présence du champ magnétique Mercurien, mais aussi diverses observations sur son orbite. Le mécanisme qui donnerait naissance au champ magnétique serait différent de la dynamo auto-entretenue des autres planètes. Mercure ne tourne pas assez vite pour que le mécanisme se mette en place. À la place, on suppose que la différence de température entre noyau solide et manteau donnerait naissance à des courants de convection.

L'histoire géologique de Mercure

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L'histoire géologique de Mercure est assez simple à comprendre, vu que la géologie de la planète est relativement simple. On distingue environ 5 périodes géologiques dans la vie de Mercure :

  • l'ère pré-Tolstoïenne, de -4,5 à -3,9 milliards d'années ;
  • l'ère Tolstoïenne, de -3,9 à -3,85 milliards d'années ;
  • l'ère Calorienne, de -3,85 à -3,80 milliards d'années ;
  • l'ère du Calorien supérieur, de -3,80 à -3 milliards d'années ;
  • l'ère du Mansurien/Kuipérien, -3 milliards d'années à aujourd'hui.

La première ère est pratiquement inconnue. Elle correspond à la formation de la planète, quand Mercure n'était qu'un simple océan de magma au-dessus duquel une croûte venait de se former. La seconde période correspond à la fin du grand bombardement tardif. L'ère calorienne correspond à l'impact de l’astéroïde qui créa le cratère Caloris. L'impact créa de nombreuses fissures, desquelles sortit du magma. Le volcanisme induit forma de nombreuses plaines de petites taille. Par la suite, le refroidissement de Mercure entraîna la formation de failles et de plis de contraction, ainsi qu'un léger volcanisme déclinant. L'ère suivante est l'ère actuelle, une ère géologiquement inactive.