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Photographie/Personnalités/K/Alberto Korda

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Alberto Korda, de son vrai nom Alberto Díaz Gutiérrez, était un photographe cubain (La Havane, 14 septembre 1928 - Paris, 25 mai 2001). Il est surtout célèbre pour son portrait mondialement connu de Che Guevara.


Alberto Korda présentant la fameuse photographie du Che, intitulée « Guerillero heroico » (1960)

Les années de jeunesse

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Alberto Korda était fils de cheminot. Il eut un premier contact avec la photographie en empruntant l'appareil 35 mm Kodak de son père pour photographier sa petite amie. « Mes débuts dans la photographie ressemblent un peu à un roman à l'eau de rose parce qu'ils furent placés sous le signe de l'amour. J'avais 16 ans et naturellement j'étais amoureux. J'ai pris ces photos de Yolanda, ma première fiancée et mon premier modèle, avec un Kodak 35. »

Après avoir vécu de nombreux petits emplois, il devint l'assistant d'un photographe et commença sa carrière en photographiant des banquets, des baptêmes et des mariages. Il devait retourner très vite au studio pour développer les films, tirer les épreuves et retourner vendre celles-ci comme souvenirs sur les lieux de l'événement. Ces travaux étaient de piètre qualité, les photos se voilaient et jaunissaient au bout de quelques mois. En fait il voulait avant tout photographier les femmes et il finit par réussir dans cette voie, puisque sa seconde épouse, Natalia Menéndez, devint le premier modèle cubain de photos de mode. Elle raconta plus tard qu'il aimait trois choses dans la vie, les femmes, le rhum et la révolution cubaine. Sous la dictature de Batista, dans les années 1950, il mena d'ailleurs une double vie, photographiant des modèles le jour et fournissant la nuit des armes de contrebande aux groupes urbains qui organisaient en secret la lutte anti-Batista.

En 1953 il ouvrit son premier studio en association avec un autre photographe du nom de Luis Antonio Peirce Byers, qui fut connu par la suite comme Luis Korda. Il en profita pour tirer les leçons de ses échecs passés et pour apprendre à utiliser les bons produits et les bons temps de traitement. Korda et Pierce acceptaient des travaux divers, essentiellement dans les domaines de la mode et de la publicité. C'est à cette époque qu'il se fit appeler Korda. « J'avais une grande admiration pour les cinéastes hongrois Zoltan et Alexandre, c'est vrai, mais j'ai surtout adopté ce nom en raison de son affinité phonétique avec Kodak, la marque la plus réputée à l'époque. »

L'argent gagné par ces travaux permit à Korda de trouver son propre style. Il photographiait les modèles sous des angles inhabituels, différents de ceux utilisés par les photographes traditionnels ; par ailleurs, il détestait la lumière artificielle, prétendant qu'elle travestissait la réalité, et en conséquence il n'utilisait que la lumière naturelle dans son studio. Il fut un expert du noir et blanc, ses compositions et ses cadrages soigneusement étudiés étaient caractéristiques de son style au point qu'il acquit une renommée internationale ; son studio n'était pas seulement une affaire prospère dans le domaine de la photographie de mode et de modèles, mais aussi un endroit où l'on pratiquait la création artistique.

La révolution cubaine

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La révolution cubaine marque un tournant brutal dans la vie et dans l’œuvre de Korda. En 1959, après le succès des révolutionnaires, un nouveau journal offrit aux photographes l'occasion de publier leurs travaux et ceux de Korda y prit une part active. Il déclara : « vers la trentaine je n'avais en tête qu'une vie frivole quand un événement exceptionnel a transformé ma vie : la révolution cubaine. C'est à ce moment-là que j'ai pris cette photo d'une petite fille serrant un morceau de bois en guise de poupée. J'ai compris que je devais désormais consacrer ma vie à une révolution qui avait pour but de supprimer ces inégalités. »

Korda prit fait et cause pour les idéaux de la révolution et commença à photographier ses leaders. Il le faisait à son propre rythme, sans subir de pression et sans répondre à des demandes particulières. Partout où la révolution conduisait Fidel, il suivait.

Les relations entre Fidel Castro et Alberto Korda ne peuvent pas être résumées en deux mots. Korda était plus qu'un photographe officiel, davantage un ami et un photographe personnel. Ils n'avaient jamais à discuter de salaire, leurs relations n'étant pas celles d'un chef et de son subordonné. Pour cette raison Korda pouvait travailler de façon très sereine et s'intéresser à tout, aux choses comme aux personnes. Chaque photo qu'il prenait était un symbole de la révolution, bien plus qu'un documentaire sur les événements de la révolution.

Parmi les images caractéristiques de cette époque, on peut noter celles de la visite de Fidel Castro au Mémorial de Lincoln, à Washington, en avril 1959. Les voyages de Fidel conduisirent Korda dans toute l'île de Cuba, à l'étranger, et tout spécialement en Union Soviétique. En 1963 les photos de Fidel Castro et de Nikita Khrouchtchev, prises par Korda, illustrent bien les différences entre les deux hommes et leurs politiques. En 1969 Fidel retourna dans la Sierra Maestra, la région éloignée où l'armée révolutionnaire commença ses attaques contre la dictature de Batista. Korda avait l'habitude de se mettre en face de tous les groupes conduits par Fidel Castro afin de prendre les photos qu'il souhaitait. Quand il revint à la maison, sa fille ne put le reconnaître. Il avait laissé pousser des cheveux et sa barbe, et n'avait pas pris de douche depuis plusieurs mois. Korda prit de nombreuses photographies pour le journal et appela cette série « Fidel revient dans la Sierra ».

Castro et Guevara
La planche-contact de Korda

Castro a toujours aimé les photographies de Korda et ne l'a jamais arrêté lorsqu'il tentait de prendre un cliché. Il travaillait librement, sans penser aux conséquences politiques, de façon à obtenir ce qu'il voulait sur les photos.

Korda devint ainsi le photographe personnel de Fidel Castro pendant dix ans, l'accompagnant dans ses déplacements et dans ses rencontres avec diverses personnalités. Durant cette période il prit également des photographies de démonstrations, de la moisson de la canne à sucre, de scènes industrielles, etc. On peut voir sur ces clichés Castro regardant attentivement un tigre au zoo de New-York, jouant au golf ou pêchant avec Che Guevara, skiant et chassant en Russie, ou rencontrant Ernest Hemingway. On y voit aussi les rebelles castristes entrant en triomphe dans La Havane, ou sur celle connue sous le titre « Le Don Quichotte du réverbère », un cubain portant un chapeau de paille et assis sur un réverbère en face d'une marée humaine, au cours d'un rallye.


La fameuse photo du Che

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La photo originale non recadrée
La photo « Guerillero heroico » de Korda

Korda travaillait comme photographe pour le journal cubain Revolución lorsqu'il réalisa, le 6 mars 1960, à l'occasion des funérailles des victimes du sabotage du bateau La Coubre , l'image emblématique de Che Guevara qui devait devenir dans le monde entier le symbole de la rébellion et de la révolution. Korda (cité par Pierre Kalfon) raconte : « Je me trouvais à huit ou dix mètres de la tribune où Fidel prononçait un discours et je tenais à la main un appareil muni d'un petit téléobjectif, lorsque je vis le Che s'approcher de la balustrade près de laquelle se tenaient Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Moi, je « mitraille » systématiquement tous ceux qui entourent Fidel, l'œil vissé au viseur de mon vieux Leica. Soudain surgit du fond de la tribune, dans un espace vide, le Che. Il a une expression farouche. Quand il est apparu, au bout de mon objectif de 90 mm, j'ai eu presque peur en voyant la rage qu'il exprimait. Il était peut-être ému, furieux, je ne sais pas. J'ai appuyé aussitôt sur le déclic, presque par réflexe. Et j'ai "doublé" la prise mais, comme toujours, c'est la première qui était la meilleure. Il n'est resté que quelques instants et je n'ai pris que ces deux uniques photos. Elles ne sont d'ailleurs pas d'une netteté extraordinaire parce que je n'ai pas eu le temps de faire une bonne mise au point. »

Dès qu'il eut développé le film en arrivant au journal, Korda pensa que c'était une bonne photo : « On sent dans son regard une grande colère concentrée, une force extraordinaire dans son expression. » Cependant Revolución ne la publia pas.

Il ne toucha jamais de droits pour cette photo parce que Castro n'a jamais reconnu la convention de Berne sur les droits de propriété littéraire et artistique. Cependant, il assigna en justice la marque de vodka Smirnoff pour avoir publié sans son consentement l'image du Che, à des fins publicitaires. Korda déclara que « en tant que partisan des idéaux pour lesquels Che Guevara mourut, il n'était pas opposé à la diffusion de cette image par ceux qui souhaitaient honorer la mémoire du Che ou défendre la cause de la justice sociale, mais qu'en revanche il était catégoriquement opposé à l'exploitation de cette photo pour la promotion de produits comme l'alcool ou dans quelque but que ce soit qui pourrait dénigrer la réputation du Che ». Il gagna finalement son procès et reçut un dédommagement de 50 000 $ qu'il reversa au système de santé cubain en disant que « si le Che était encore vivant, il aurait fait la même chose. »

Pendant l'été 1967, l'éditeur italien Giangiacomo Feltrinelli, cherchant des photos de Che Guevara, rend visite à Korda qui lui remet le fameux cliché. Feltrinelli, connu alors pour avoir publié le livre Docteur Jivago, souhaitait publier le journal de Fidel Castro. En octobre 1967, le Che est assassiné et Feltrinelli imprima un « poster » de 70 x 100 cm dont il vendit, paraît-il, un million d'exemplaires en 6 mois. C'est à partir de là que la photo fut reprise dans les manifestations, sur les affiches et pour illustrer de nombreuses publications.

La photo fut l'objet d'une polémique en octobre 2007. Juan Vivès, ancien agent des services secrets cubain et aujourd'hui opposant au régime castriste, a déclaré à plusieurs reprises en être l'auteur, alors qu'il était âgé seulement de seize ans le 5 mars 1960. Alberto Korda n'aurait fait que retoucher la photo pour l'isoler des autres personnages et contraster au maximum les traits de l'Argentin, pour lui donner l'aspect qu'on lui connaît aujourd'hui. Korda aurait même envoyé une lettre à Vivès pour s'excuser de s'approprier la photo, à la demande du régime castriste, celui-ci ne voyant pas d'un bon œil que l'une des photos emblématique de la révolution cubaine ait été réalisée par un opposant politique.

Cependant pour le biographe du Che, Pierre Kalfon, il est probable que Juan Vivès ne soit qu'un affabulateur car il n'apporte aucun élément de preuve de ce qu'il avance alors que Korda a montré le rouleau de pellicule comprenant le cliché historique. La thèse de Juan Vivès semble d'autant plus sujette à caution qu'il ne put jamais produire la prétendue lettre d'excuses de Korda, disant l'avoir jetée. De plus, Vivès est coutumier des allégations douteuses, prétendant également que Salvador Allende a été assassiné par un agent cubain ou « que l’armée cubaine aurait organisé l’exode forcé de milliers d’enfants du Sahara occidental pour les livrer à la prostitution ».

Aucune autre photographie, à part celle de Marilyn Monroe sur la grille de métro, n'a jamais été reproduite à un aussi grand nombre d'exemplaires.

« Oubliez l'appareil, oubliez l'objectif, oubliez tout ça. Avec n'importe quel appareil à 4 sous, vous pouvez prendre la meilleure photo », a-t-il conseillé à des apprentis photographes.

Les dernières années et la mort de Korda

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De 1968 à 1978, Korda se consacra à la photographie sous-marine jusqu'à une exposition au Japon, en 1978, qui suscita un intérêt mondial pour son travail.

Il a fait une brève apparition en 1999 dans le film Buena Vista Social Club de Wim Wenders mais son nom n'est pas porté au générique.

Alberto Korda a succombé à une crise cardiaque à Paris, en 2001, tandis qu'il présentait une exposition de son œuvre. Il est enterré au Colon Cemetery de La Havane. En 2005, quatre ans après sa mort, un documentaire intitulé Kordavision et réalisé par Hector Cruz Sandoval lui a été entièrement consacré.


Quelques photographies importantes d'Alberto Korda

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Expositions personnelles :

  • 1962 : Helsinki, Finlande.
  • 1985 : Galleria H. Diafragma Canon, Milan, Italie.
  • 1986 : Galería Servando Cabrera, La Havane
  • 2000 : Roy Boyd Gallery, Chicago.

Expositions collectives :

  • 1962 : Museo Nacional de Bellas Artes, La Havane.
  • 1967 : Expo’67, Pavillon cubain, Montréal, Canada.
  • 1980 : Consejo Mexicano de Fotografía, Mexico City.
  • 1980 : Centro de Arte Internacional, La Havane.
  • 1983 : Westbeth Gallery, New York.
  • 1999 : Centro de Desarrollo de las Artes Visuales, La Havane
  • 2002 : Museum of Art, Ft. Lauderdale, Florida.

Prix et récompenses

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  • 1959 : Palma de Plata (Cuba)
  • 1960 : meilleur photo reporter de l'année (Journal Revolución, La Havane)
  • 1963 : prix international de photographie sous-marine Maurizio Sana, Italie
  • 1994 : distinction nationale de la culture, Ministère de la Culture, Cuba.
  • Casa de las Americas, La Havane, Cuba.
  • Center for Cuban Studies, New York.
  • Centre d'études et d'archives de la communication, Université de Parme, Italie.
  • Fototeca de Cuba, La Havane.
  • Galleria IF, Milan, Italie.
  • Galleria Il Diafragma Kodak, Milan, Italie.
  • Maison de la Culture de la Seine Saint-Denis, Paris, France.
  • Museo Nacional de Bellas Artes, La Havane.

Liens externes

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  • AMMAR, Alain .- L'histoire vraie de la photo culte du Che. In : Marianne, n° 548, du 20 au 26 octobre 2007, pp. 42-44.
  • CASTAÑEDA, Mireya Castañeda .- « La plus célèbre photo du Che » [interview d'Alberto Korda]. In : Granma international, 1997.
  • LOVINY, Christophe et SILVESTRI-LEVY, Alessandra .- Cuba : by Korda .- Paris, Ocean Press, 23 juin 2006, broché, 160 p. (ISBN 1920888640 et 978-1920888640).
  • NOCE, Vincent .- Le portrait du Che fait débat. Polémique. Réactions après un article de « Marianne » niant la paternité du cliché à Korda. In : Libération, 31 janvier 2008.
  • RIVA, Gloria .- Korda A Revolutionary Lens .- Göttingen, Steidl Publishers, 2008 (ISBN 3865214584).

Images en attente

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