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Photographie/Colorimétrie/Généralités sur les couleurs

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À l'exception de rares cas particuliers, toute sensation visuelle est colorée.

L'image monochrome (en noir ou d'une seule couleur résultant par exemple d'un virage) contient deux types d'informations : des contours et des luminances. Lui ajouter les couleurs revient à l'enrichir de milliers de nuances différentes tenant compte en chaque point de la qualité de la lumière reçue par la surface sensible.

On raconte que Nicéphore Niépce, l'auteur des premières photographies connues, se trouva fort dépité de constater que ses plaques sensibles recouvertes de bitume de Judée étaient incapables de restituer l'impression colorée des scènes qu'il photographiait. Le problème, on le sait, ne fut résolu que bien plus tard.

A priori, la photographie des couleurs devrait avoir pour but de restituer aussi fidèlement que possible l'aspect de la scène originale. Nous pouvons prendre ce principe comme point de départ de notre étude, mais nous verrons en cours de route que cette restitution à l'identique n'est jamais possible et même qu'elle n'est pas toujours souhaitable.

Indépendamment des considérations scientifiques et techniques, nous devons en effet prendre en compte tous les aspects physiologiques et psychologiques liés à la perception des couleurs et aux représentations mentales associées.




Couleurs et psychologie

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Sans que nous en soyons nécessairement conscients, les couleurs agissent sur nos émotions et nos états d'âme : elles peuvent nous exciter, nous détendre, nous déprimer, voire nous angoisser, ou encore susciter notre curiosité.

Nous avons « jadis » connu un Directeur de Cours complémentaire, nous dirions aujourd'hui un Principal de Collège, qui avait fait peindre de diverses couleurs les salles de son établissement. Les groupes un peu trop remuants et agités étaient conduits dans une salle aux murs mauves, tandis que les endormis étaient amenés à se réveiller dans une autre aux murs orange vif. Et aussi curieux que cela puisse paraître, cela marchait assez bien.

Les publicitaires savent à merveille jouer avec les couleurs pour nous vendre tout et n'importe quoi.

  • Le rouge

Il évoque la chaleur, le feu, l'énergie, la force, mais aussi le sang ou le danger, voir les panneaux de signalisation, les feux tricolores ou les étiquettes de produits chimiques particulièrement dangereux. Le rouge habille traditionnellement les juges, les bourreaux ; sous l'ancien régime et jusqu'au XIXe siècle il marquait les vêtements des galériens et des forçats. Il représente aussi la beauté, la fête, le luxe, notions associées à celle de péché, de fruit défendu ; le rouge à lèvre et le vernis à ongles figurent bien cette ambivalence.

Le rouge est une couleur stimulante, dont on dit qu'elle peut provoquer une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque. En même temps, sa présence exagérée peut devenir une source de fatigue et d'irritabilité.

  • L'orangé

C'est une couleur stimulante souvent associée à la sensualité, à l'enthousiasme, au confort, au plaisir. Il est censé avoir un effet favorable sur les rapports humains et combattre la dépression.

L'orangé peut être également un signal d'avertissement que l'on trouve sur les emballages de produits chimiques dangereux ou sous forme de feux de signalisation le long des rues et des routes. Dans ce cas on pourrait dire qu'il est un « sous-rouge ».

  • Le jaune

Il est associé à l'optimisme, à la confiance en soi, à la joie de vivre et aux ambiances émotionnelles. Les enfants représentent spontanément la lumière en jaune, les comprimés de vitamine C sont orangés ou jaunes, le maillot jaune prouve la vaillance du leader du Tour de France ; le jaune est aussi associé à la richesse, au blé mur, et bien entendu à l'or.

Cependant, le jaune est aussi la couleur symbolique de la trahison ou du mensonge : les briseurs de grèves sont « les jaunes », on évoque aussi la couleur « jaune cocu ». Le « carton jaune » des arbitres est un avertissement qui sanctionne une faute ou un manque de loyauté.

  • Le vert

Il rappelle les couleurs de la nature et symbolise le repos, l'harmonie, l'équilibre, la tranquillité.

  • Le bleu

Il représente le froid, le calme, la sérénité, et favorise dit-on le travail intellectuel et la réflexion. On l'utilise souvent comme couleur dominante dans les salles de bain mais aussi pour le décor des réunions électorales...

  • Le violet

Il évoque l'autorité, l'opulence ou encore le luxe. On dit qu'il favorise l'inspiration des artistes, la méditation et la contemplation. En trop grande quantité, il peut au contraire susciter l'ennui ou rendre une ambiance étouffante.

  • Le rose

Il symbolise la féminité, l'amour et la sexualité. Pâle, il a un effet apaisant mais vif, son effet est au contraire stimulant.

  • Le noir

Il correspond à l'absence totale de lumière et donc de couleurs. En décoration, on l'utilise pour mettre en valeur les autres couleurs et les objets de luxe, mais aussi pour dissimuler des éléments d'environnement que l'on ne souhaite pas mettre en évidence. C'est aussi, dans de nombreux pays, la couleur associée à la vieillesse et au deuil.

  • Le blanc

Par opposition au noir, le blanc correspond à la somme de toutes les couleurs réunies. Il évoque la clarté, la pureté, la propreté, mais en excès dans une pièce, il donne une impression de froid. C'est aussi la couleur du deuil dans les pays asiatiques.


A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,

Je dirai quelque jour vos naissances latentes :

A, noir corset velu des mouches éclatantes

Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,


Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,

Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;

I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles

Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;


U, cycles, vibrements divins des mers virides,

Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides

Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;


O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,

Silence traversés des Mondes et des Anges :

- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -


Arthur Rimbaud


Le poème le plus connu d'Arthur Rimbaud est aussi l'un de ceux qui ont suscité le plus de commentaires, mais chacun de nous pourra, selon son humeur du jour, associer d'autres couleurs aux voyelles... Indépendamment des sensations objectives, les couleurs sont associées à de nombreux éléments culturels, personnels ou collectifs, ce qui complique passablement le problème.

Finalement, hormis quelques situations assez peu communes qui conduisent les scientifiques, les imprimeurs ou d'autres spécialistes à rechercher une reproduction objective des couleurs, le jugement des images repose la plupart du temps sur des critères subjectifs qui par leur nature même varient selon les individus et leur humeur du moment.

Les couleurs, la mode, la géographie

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Notre environnement coloré varie tout doucement, sans que nous nous en rendions toujours compte. On parle ici, bien entendu, de l'environnement artificiel, les couleurs de la nature ne changent pas, du moins à l'échelle du temps humain.

La France des années 1980-1990 était beaucoup plus colorée qu'en ce début de XXIe siècle. Beaucoup de carrosseries automobiles, par exemple, revêtaient des couleurs vives, jaunes, rouges, verts, etc. Dans les années 2010 au contraire, les couleurs qui prédominent très largement sont le blanc, le gris et le noir. Les meubles de bureau étaient gris dans les années 1960, ils le sont redevenus le plus souvent aujourd'hui, mais dans les années 1970-1980, on osait les couleurs vives, le jaune d'or, le bleu turquoise, le rouge brique, etc. Même remarque pour les vêtements féminins.

Dans un milieu comme la rue, dans l'ensemble grise et terne, les éléments colorés attirent l’œil (et éventuellement, sont un facteur d'attraction pour de futurs clients). Lorsque ces éléments sont fixes, il est souvent intéressant de les intégrer dans une composition pour donner de la force aux photographies ; lorsqu'ils sont mobiles, le photographe doit se montrer mobile également, ou patient, par exemple pour attendre qu'une personne habillée de couleurs vives, ou une automobile, passe dans le cadre pour apporter un élément de vie ou tout au moins d'animation.

Les couleurs vives et les ambiances colorées sont également la marque de certaines villes ou de certains pays. On peut citer par exemple les pays nordiques ou l'île de Burano, dans la lagune de Venise, dont les maisons sont vivement colorées, les enduits bleus de Grèce, du Maroc ou de l'Inde, les vêtements traditionnels chamarrés de l'Afrique ou de l'Amérique du Sud ; tout ceci contribue au sentiment de dépaysement ressenti par les voyageurs français brutalement plongés dans ces ambiances.

Propriétés intrinsèques des couleurs et systèmes de classification

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Le caractère tridimensionnel des sensations colorées est une propriété commune à tous les systèmes qui permettent de décrire et de classer les couleurs. La façon la plus simple de décrire une couleur conduit à lui associer trois attributs :

  • la teinte, précisée par les mots rouge, vert, bleu, jaune, pourpre, etc.
  • la saturation caractérise le degré de dilution de la couleur par du blanc ; les couleurs saturées sont qualifiées de vives, pures, les couleurs diluées sont au contraire pâles, délavées, etc.
  • la luminosité fait apparaître la couleur plus ou moins claire ou foncée par rapport à la scène environnante.

Chacun de ces attributs peut varier de façon continue, ce qui permet de décrire l'ensemble des sensations colorées possibles.

Les données de teinte, de saturation et de luminosité peuvent être quantifiées mais il existe d'autres systèmes trivariants permettant de décrire les couleurs. Lorsque celles-ci sont matérialisées par des échantillons, on peut les arranger pour former des nuanciers qui sont autant de systèmes de classification.


Nuancier Pantone


Les nuanciers ont de nombreuses applications dans des domaines tels que les textiles, les peintures, la papeterie, etc. Cependant, pour des usages plus scientifiques, on préfère utiliser des systèmes de coordonnées qui sont certes plus abstraits mais aussi plus précis ; de tels systèmes sont indispensables pour décrire aussi finement que possible des résultats expérimentaux ou pour établir des relations quantitatives entre les couleurs.

Le principe de la reproduction fidèle

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Chaque lumière colorée a une composition spectrale bien définie. Réaliser une reproduction des couleurs parfaitement fidèle à l'original devrait dans l'absolu conduire à restituer à l'identique cette composition spectrale.

C'est sur cette idée que repose le principe de Maxwell, dérivé du principe de « retour inverse de la lumière » bien connu des opticiens. On sait qu'en mélangeant en proportions adéquates trois lumières-étalons saturées convenablement choisies dans le rouge, le vert et le bleu, il est possible de reproduire presque toutes les sensations colorées. La lumière provenant de l'objet est d'abord décomposée à l'aide de filtres en ses trois fractions rouge, verte et bleue, chacune enregistrée sur une couche d'émulsion sensible séparée. Une fois ces couches développées, on les inverse pour en faire des positifs que l'on projette en exacte superposition à travers trois filtres identiques à ceux qui ont servi pour la prise de vues. En théorie il devrait ainsi être possible de reproduire toute couleur à l'identique.

En pratique, contrairement à nos oreilles qui savent reconnaître les harmoniques des sons et donc différencier le la d'un violon et celui d'une clarinette, nos yeux sont incapables d'analyser les rayonnements et d'en discerner les composantes. Il en résulte qu'une même sensation colorée peut parfaitement être produite par des rayonnements de composition fort différentes.

Il n'est donc pas nécessaire que les lumières émises par les zones homologues du sujet et de son image aient des compositions spectrales parfaitement identiques, mais seulement qu'il y ait identité d'aspect. C'est à partir de cette notion que sont développées les théories actuelles de la colorimétrie.

Défauts et corrections

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Diverses impossibilités de réalisation empêchent d'appliquer exactement le principe de Maxwell. La principale tient au fait que la restitution exacte des couleurs à partir des trois étalons rouge, vert et bleu exige théoriquement, comme nous le verrons plus loin, l'obtention de sensibilités partiellement négatives, ce qui est bien évidemment impossible.

Par ailleurs, les colorants utilisés dans les procédés photographiques ou en imprimerie présentent des absorption spectrales indésirables. De ce point de vue, les problèmes rencontrés dans les processus argentiques se retrouvent intégralement lorsque l'on veut imprimer sur papier les photographies numériques. Il existe toutefois des processus de correction qui permettent d'approcher au mieux la restitution des couleurs d'origine.

Couleurs objectives, couleurs de mémoire et couleurs préférées

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Pour juger de l'exactitude d'une reproduction colorée, il faudrait analyser à l'aide d'un colorimètre les lumières émises par les diverses zones des scènes photographiées et déterminer si elles ont été correctement reproduites sur les zones correspondantes des images. Convenons que cette opération peu banale serait en outre très difficile à mettre en œuvre, d'autant que les scènes photographiées peuvent avoir un caractère très fugace. Les couleurs réelles du sujet photographié ne peuvent donc presque jamais servir de référence pour le jugement des images.

En pratique, c'est le phénomène de mémorisation des couleurs qui intervient et qui nous permet de dire si les teintes d'une épreuve sont globalement conformes au souvenir que nous avons du sujet original. Les expériences systématiques de chercheurs tels que Newhall, Burnham, Clark, Bartleson et autres montrent qu'en règle générale les couleurs de mémoire ont des teintes très voisines de la couleur réelle mais avec davantage de saturation et de luminosité. Les études statistiques correspondantes ont été faites à partir de plages uniformes censées représenter des éléments bien connus et très souvent photographiés : la « teinte chair », le « vert pelouse » et le bleu du ciel.



D'autres expériences ont été faites sur un grand nombre de personnes à partir de photographies réelles par Bartleson et Gray, afin de déterminer leurs préférences pour ces trois couleurs de référence. En les mesurant sur les photographies jugées les meilleures, on trouve des couleurs préférées généralement différentes aussi bien des couleurs réelles que des couleurs de mémoire.

Le tableau ci-dessous indique le décalage par rapport aux teintes réelles pour les couleurs de mémoire et les couleurs préférées :

référence couleur de mémoire couleur préférée
teinte chair plus jaune, plus pâle un peu plus jaune, plus pâle
vert pelouse plus bleutée identique à la couleur réelle
bleu ciel plus bleu-vert couleur réelle plus saturée


On constate donc certaines discordances qui ne vont pas toujours dans le même sensé mais dont les fabricants de surfaces sensibles tiennent compte pour l'équilibrage chromatique de leurs produits.

Fausses couleurs

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Dans l'usage courant, la reproduction des couleurs est limitée au spectre visible mais rien n'interdit d'attribuer une couleur purement conventionnelle à une bande de radiations invisibles, par exemple au proche infra-rouge. Tous les raisonnements que nous ferons par la suite peuvent donc être facilement extrapolés à n'importe quel domaine spectral.




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