Philosophie/Objectif/subjectif
Au sens strict, est dit subjectif ce qui appartient au sujet, objectif, ce qui appartient à l'objet. A ce titre, tout ce qui fait partie du champ de la conscience (jugements, sentiments, volontés...) est subjectif et on peut dire que la proposition "la somme des angles d'un triangle est égale à 180°" décrit une propriété objective, celle du triangle. Mais on emploie souvent ces deux termes pour qualifier des genres de connaissances. Une connaissance subjective serait équivalente à partiale, relative, parce que mal mise à distance et donc mal critiquée, et n'aurait de valeur que pour le sujet qui l'affirme; une connaissance objective serait au contraire impartiale, parce que suffisamment distanciée par le sujet pour être partagée par les autres. Pourtant, cette distinction tranchée est sommaire. En effet, tout jugement, parce qu'il est nécessairement émis par un sujet, est subjectif, et en même temps vise l'objectivité quand il construit l'objet de son examen de façon à le comprendre, le mettre en ordre, et ainsi le faire comprendre aux autres. Ainsi, il n'existe pas plus de jugement purement subjectif que de pure objectivité, dans le sens où la pensée s'exerce toujours sur un objet dont le sens est toujours élaboré par un sujet. Lorsqu'on parle d'un jugement de connaissance, cela implique toujours l'effort d'une subjectivité qui veut partager son savoir avec d'autres subjectivités. Si la proposition "la somme des angles d'un triangle est égale à 180°" est un jugement de connaissance qui décrit une propriété objective du triangle, c'est parce que cette propriété a été construite par des sujets de façon à ce que les esprits s'accordent sur ce qu'est un triangle. Il faut donc faire la distinction entre l'usage ordinaire de "subjectif" qui signifie "immédiat, partial, mal maîtrisé" et ne désigne pas une connaissance digne de ce nom, et l'usage philosophique qui suppose une construction réciproque entre subjectif et objectif et qui désigne une connaissance visant l'intersubjectivité.