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Mémoire/Le conditionnement classique

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Dans les années 1890, un scientifique russe du nom de Pavlov s'était mis en tête d'étudier la sécrétion de sucs gastriques par les chiens. Dans ses expériences, Pavlov faisait ses études avec l'aide d'un appareil qui recueillait la salive des chiens. Logiquement, les chiens commencent à saliver lorsqu'ils ont leur repas sous les yeux : il s'agit d'un réflexe programmé chez les chiens qu'utilisait Pavlov dans ses expériences. La simple vision de la nourriture suffit à les faire saliver, ce qui est détectable par les appareils dont disposait Pavlov. Mais, chose étonnante, plus l'expérience durait, plus les chiens commençaient à saliver avant leur repas. On pourrait penser que ceux-ci étaient capables d'anticiper leur repas, et que ce n'était pas quelque chose d'important. Mais Pavlov voulut en avoir le cœur net, et il commença à faire quelques expériences. Le résultat s'est révélé étonnant : les chiens étaient prévenus de leur repas en faisant sonner une petite cloche. Pavlov s’aperçut que c'était le fait d'entendre le son de cette cloche qui faisait saliver les chiens. Si on leur donnait leur repas sans faire sonner cette cloche les chiens ne salivaient pas. Le réflexe de salivation, autrefois spécifique à la vue de la nourriture, s'était généralisé au son de la cloche.

Pavlov fit d'autres expériences sur ses chiens et en déduisit un mécanisme d'apprentissage qui permet de généraliser certains réflexes ou comportements. Cette forme d'apprentissage, autrefois appelée conditionnement pavlovien, est aujourd'hui appelé le conditionnement classique. Il s'agit d'une forme d’apprentissage plus évoluée que les apprentissages non-associatifs vus au chapitre précédent. L'habituation et la sensibilisation se contentent d'augmenter ou de diminuer l'intensité d'un réflexe, alors que le conditionnement classique permet d'apprendre de nouveaux comportements.

Une description rapide du conditionnement classique

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Généralement, un réflexe est déclenché par ce qu'on appelle un stimulus, à savoir toute modification de l'environnement que l'organisme peut percevoir d'une manière ou d'une autre. Un flash lumineux, un choc électrique soudain, un jet d'eau dans les paupières, un petit marteau de médecin qui tombe sur votre genou : ce sont tous des stimuli. Le conditionnement classique se base sur des réflexes ou des comportements préexistants, qui sont déclenchés automatiquement par la perception d'un stimulus. Ces stimuli, qui déclenchent ces réflexes ou ces comportements, sont ce qu'on appelle des stimuli inconditionnels. À côté, certains stimuli ne déclenchent pas de réflexes de manière naturelle, sans apprentissage : ce sont des stimulus neutres.

Le conditionnement de Pavlov apparaît lorsqu'un stimulus neutre est présenté à peu près en même temps qu'un stimulus inconditionnel. À force de répéter cette présentation, le stimulus neutre finira par déclencher le comportement tout seul, sans la présence du stimulus inconditionnel : c'est le conditionnement de premier ordre. Le stimulus neutre devient un stimulus conditionné. Le conditionnement peut aussi impliquer un stimulus neutre, que l'on associe progressivement à un autre stimulus conditionné : c'est un conditionnement de second ordre.

Les deux types de conditionnement et leur neurobiologie

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Il existe deux types de conditionnement classique : un conditionnement moteur et un conditionnement émotionnel. Par conditionnement moteur, on veut dire que l'animal ou l'humain qui subit un conditionnement apprend à réagir à un stimulus conditionnel en effectuant un mouvement donné. Par conditionnement émotionnel, on veut dire que le comportement mis en œuvre dans le conditionnement sera une réaction émotionnelle : une réaction de peur, par exemple.

Ces deux types de conditionnement peuvent avoir lieu en même temps. Pour l'illustrer, prenons des expériences effectuées sur des rats (ou d'autres animaux). Dans celles-ci, les rats étaient placés dans une cage, dont le sol était électrifié. Les rats recevaient des chocs électriques bénins de temps à autre. À chaque choc, les rats s'immobilisent par réflexe. Les expériences consistaient à conditionner des flashs lumineux avec la décharge électrique. À la suite de ce conditionnement, les rats s'immobilisent à chaque flash, même si celui-ci n'est pas accompagné ni suivi de décharge électrique, comme prévu. Dans cette expérience, le stimulus inconditionnel est un choc électrique, qui est conditionné aussi bien avec une sensation de peur, ainsi qu'avec une réponse d'évitement du choc électrique.

On peut se demander comment les espèces vertébrées gèrent le conditionnement, et comment le cerveau fait pour former associations et expectations. À ce petit jeu, on trouve évidemment une différence entre le conditionnement moteur et le conditionnement émotionnel. Mais d'autres formes plus simples de conditionnement sont possibles chez les espèces non-vertébrées.

Le conditionnement moteur

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Le cas le plus simple de conditionnement chez les invertébrés est un exemple qui devrait vous dire quelque chose : l'aplysie ! En effet, le réflexe de vidange du siphon, vu il y a quelques chapitres, peut être conditionné assez simplement : on peut associer le toucher de la queue avec une vidange du siphon. Les expériences faites par Squire et Kandel montrent que le mécanisme utilisé pour expliquer la sensibilisation ressemble fortement à celui qui permet d'expliquer le conditionnement classique. Le neurotransmetteur Glutamate qui est impliqué, en plus de la sérotonine. Quoi qu’il en soit, ces mécanismes vont créer de nouvelles synapses entre le neurone sensoriel et l'interneurone, ces synapses servant d'association entre neurones sensoriels et neurones moteurs/interneurones.

Chez les vertébrés, les mécanismes du conditionnement semblent fortement varier suivant les stimuli à associer. Mais une observation semble mettre tout le monde d'accord : les conditionnements ont lieu dans le cerveau. Un animal décérébré ne peut pas apprendre par conditionnement, alors que certains réflexes sont toujours présents. Les expériences sur le sujet font conditionner un flash lumineux à un réflexe de clignement des paupières. Le stimulus inconditionnel utilisé est souvent un petit jet d'air non-douloureux envoyé sur l’œil. Ce conditionnement est particulièrement bien conservé chez presque toutes les espèces de vertébrés. Ces recherches disent qu'un grand nombre de circuits neuronaux sont impliqués dans ce conditionnement. De manière générale, le cervelet semble être l'endroit où se situe ce conditionnement. Par exemple, les patients chez qui le cervelet est endommagé ne peuvent ainsi pas apprendre ce conditionnement.

Le conditionnement émotionnel

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La prise en charge des émotions comme la peur est en grande partie gérée par l'amygdale cérébrale, une structure neuronale située plus ou moins au centre du cerveau. Les stimulus sensoriels sont envoyés à l'amygdale par deux voies : une voie directe, qui ne fait pas intervenir la conscience, et une voie indirecte consciente, qui passe par le cortex cérébral. En somme, pour la peur, on a bien une voie chargée de la formation d'associations, et une autre chargée de former des prédictions sur la base de connaissances antérieures.

Ce conditionnement émotionnel est purement implicite, et implique une structure cérébrale nommée l'amygdale. Pour le prouver, on peut mentionner une expérience faite par le neurologue Damasio. Celui-ci a pris des patients amnésiques, qui avaient des lésions à l'hippocampe, qui étaient incapables de former des souvenirs ou de mémoriser des faits. Ils étaient notamment incapables de mémoriser les visages, et oublient les personnes qu'ils rencontrent : ils peuvent avoir vu des centaines de fois une personne et avoir longuement parlé avec eux, tout se passe comme s'ils rencontraient un inconnu. L'expérience était très simple. Le patient était ainsi traité durant quelques semaines par deux infirmiers : le premier avait reçu pour consigne d'être légèrement méchant avec le patient, tandis que l'autre devait avoir un comportement agréable. À la fin de la semaine, on montrait une photographie des deux infirmiers au cobaye. Celui-ci avait bien sûr oublié les infirmiers et prétendait le les avoir jamais vus quand on leur présentait la photographie. Mais quand on leur demandait lequel des deux infirmiers semblait le plus sympathique, 90 % des cobayes prenaient l'infirmier gentil : on est bien loin des 50 % qu'auraient donné un oubli.

Les phénomènes liés au conditionnement

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Le conditionnement classique est souvent associé à divers phénomènes d'oubli, de généralisation, ou d'apprentissage bloqué.

L'effet de fréquence

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Évidemment, plus on présente le stimulus neutre avant le stimulus inconditionnel, plus le conditionnement a de chances de se mettre en place. Cet effet de fréquence est toutefois décroissant : si les premières présentations ont un effet assez fort, l'efficacité des présentations ultérieures finit par atteindre un plateau. Cependant, si le stimulus neutre est familier pour l'animal, le conditionnement sera d'autant plus lent. Ce phénomène est appelé l'inhibition latente.

Biais associatifs

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Certains stimuli sont plus faciles à associer à un réflexe inconditionnel que d'autres. Par exemple, il est plus facile d'associer un aliment particulier avec la nausée qu'avec un flash lumineux. C'est ce que l'on appelle un biais associatif.

La généralisation

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Un conditionnement implique un stimulus neutre, qui devient un stimulus conditionné. Mais la mémoire des conditionnements n'est pas aussi sélective qu'on pourrait le penser. Il arrive souvent que l’association ne se fasse pas qu'avec le stimulus, mais que tout stimulus semblable soit aussi conditionné. Par exemple, reprenons le cas d'Albert. Celui-ci avait été conditionné à avoir peur des rats à fourrure blanche. Dans les faits, Albert avait été conditionné à avoir peur de tout ce qui ressemble à de la fourrure blanche. Finalement, Albert avait aussi peur de choses aussi diverses que la barbe d'un père noël (testé et approuvé), ou du manteau blanc de sa mère. Un conditionnement a ainsi tendance à se généraliser à tout stimulus semblable au stimulus conditionnel.

Conditionner un animal est parfois difficile en raison de phénomène de blocage. Celui-ci arrive quand on présente trois stimulus à l'animal :

  • un stimulus inconditionnel ;
  • un stimulus conditionnel ;
  • et un stimulus neutre.

Dans ces conditions, le conditionnement entre le stimulus inconditionnel et le stimulus neutre est bloqué : l'animal ne répond pas au stimulus neutre. Si je dis qu'il est bloqué, c'est parce que contrairement à ce qu'on croit, le conditionnement pourrait avoir eu lieu quand même. Si on fait en sorte d'éteindre le stimulus conditionnel concurrent, l'animal se met alors à répondre au stimulus neutre.

L'extinction et la discrimination

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Si le conditionnement classique est une forme de mémoire, il peut être soumis à l'oubli, appelé dans ce cas : l'extinction. Cette extinction apparaît lorsque le stimulus neutre est présenté seul, sans le stimulus inconditionnel. Si on répète cette présentation un grand nombre de fois, l'animal oublie progressivement l'association entre les deux stimulus et le conditionnement semble disparaître. Ce phénomène d'extinction peut permettre à un conditionnement avec un stimulus inconditionnel d'être remplacé par un nouveau conditionnement avec le même stimulus. On appelle ce remplacement un phénomène de discrimination.

Mais cette extinction est souvent temporaire et il suffit de représenter le stimulus conditionné avec le stimulus inconditionnel pour faire réapparaître le conditionnement : c'est le phénomène de récupération spontanée. Ce phénomène de réapparition est d'autant plus probable quand le stimulus conditionnel est plus fort que la normale. Cependant, la réponse réapparue a tendance à s’éteindre encore plus rapidement que la réponse conditionnée originale, et finit par totalement disparaître en cas de récupérations spontanées consécutives. Dans certains cas, la récupération spontanée n’apparaît pas, et le sujet doit donc être reconditionné. Dans ce cas, le réapprentissage est plus rapide que lors des conditionnements précédents, ce qui est le signe que l'association est encore présente, même si elle est trop faible pour déclencher une réponse. Ce réapprentissage est aussi beaucoup plus facile si l'extinction et le conditionnement n'ont pas lieu dans le même contexte. Par exemple, si on conditionne un animal dans une chambre, et qu'on le déconditionne dans un milieu ouvert, alors on observe un phénomène étrange : l'animal peut répondre au stimulus conditionnel dans la chambre, et répondra moins voire pas du tout dans le milieu ouvert. Même chose si les conditionnement et déconditionnement ont lieu dans deux endroits similaires mais légèrement différents. Il arrive aussi que le contexte d'apprentissage joue d'autres tours du même genre. Par exemple, en présentant uniquement le stimulus inconditionnel dans le même contexte d'apprentissage, ou dans un contexte similaire, on observe une récupération spontanée du stimulus conditionnel, censé s'être éteint. De même, reconditionner un animal est plus rapide si le contexte d'apprentissage et de réapprentissage sont similaires ou identiques. On fait donc face à un effet important : le contexte joue fortement sur les apprentissages et sur le rappel (ici, l'apparition de la réponse conditionnée).

Cela montre que les conditionnements formés sont encore présents en mémoire, mais que quelque chose empêche leur rappel, ce quelque chose étant sensible aux similarités entre contexte d'apprentissage et contexte de récupération. On peut faire une analogie avec le principe d'encodage spécifique vu dans les chapitres précédents. Les origines de l'extinction sont encore sujettes à débat, mais les théories sur le sujet proposent plusieurs mécanismes : l'affaiblissement et la disparition de l'association, l'inhibition de l'association, l'interférence entre associations différentes, la compétition entre associations différentes. Les premières théories supposaient que l'extinction provient d'une dégradation des associations au cours du temps. D'autres théories ont ajouté un phénomène d'inhibition : les associations sont simplement tues, un mécanisme d'inhibition empêchant celles-ci de s'exprimer. Les deux autres mécanismes servent à expliquer la discrimination et l'extinction. Selon ces mécanismes, des stimulus liés à une même réponse entrent en compétition pour l'accès à la réponse, et cette compétition fait que seul un des stimulus gagnera la partie. À ce petit jeu, des stimulus peuvent ainsi empêcher d'autres stimulus de s'exprimer librement : le stimulus inconditionnel peut reprendre le dessus sur le stimulus conditionnel dans un certain contexte, et réciproquement dans un autre.

L'influence de la répartition temporelle des stimulus

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La répartition temporelle des stimuli influence la rapidité d'apprentissage. Plus haut, j'ai dit que le stimulus neutre et le stimulus inconditionnel sont présentés à peu près en même temps. Toute la subtilité est dans le "à peu près en même temps" : est-ce un peu avant, un peu après, ou autre chose ? On peut avoir diverses situations :

Types de conditionnements
Type Description Rapidité d'apprentissage
Simultané Les deux stimulus sont présentés en même temps. Très longue : l'animal met beaucoup de temps à apprendre.
Différé Le stimulus neutre est présenté un peu avant le stimulus inconditionnel, mais est maintenu jusqu'à ce que le stimulus inconditionnel ait lieu. C'est la méthode de conditionnement la plus rapide : l'animal est conditionné très vite.
De trace Le stimulus neutre est présenté un peu avant le stimulus inconditionnel, mais n'est pas maintenu jusqu'à ce que le stimulus inconditionnel ait lieu. Relativement efficace.
Rétroactif Le stimulus neutre est présenté un peu après le stimulus inconditionnel. Très longue : l'animal met beaucoup de temps à apprendre, et il faut un grand nombre de répétitions du conditionnement.
Conditionnement simultané
Conditionnement normal
Conditionnement de trace
Conditionnement rétroactif

Les modèles du conditionnement classique

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Il existe diverses théories pour expliquer le conditionnement classique. Certains de ces modèles sont purement descriptifs, alors que d'autres sont fortement mathématisés. Des modèles plus explicatifs et moins descriptifs ont aussi vu le jour. Les théories les plus simples supposent que le conditionnement classique est un processus totalement automatique, qui ne fait pas intervenir la conscience. En clair : le conditionnement fait intervenir uniquement la mémoire non-déclarative. D'autres théories pensent que le conditionnement classique est un processus cognitif conscient, où l'animal remarque que le stimulus neutre est présenté en même temps que le stimulus inconditionnel et qu'ils sont tous deux suivis par la réponse. Ce mécanisme mettrait en jeu la mémoire déclarative et notamment la mémoire sémantique, voire la mémoire épisodique. Dans ce qui va suivre, nous allons nous limiter aux modèles les plus formateurs, le grand nombre de modèles de conditionnement rendant difficile une revue exhaustive.

La théorie de Pavlov : la substitution du stimulus

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La théorie de Pavlov considère que les stimulus neutres sont associés non pas avec la réponse, mais avec le stimulus inconditionnel. Le déclenchement de la réponse en réaction au stimulus conditionnel est alors indirecte : le stimulus conditionnel va activer les groupes de neurones chargés de la détection du stimulus inconditionnel, et ensuite la réponse est déclenchée en fonction. Cette théorie de la substitution du stimulus stipule que le conditionnement apparaît parce que le stimulus neutre s'associe avec le stimulus inconditionnel : Les groupes de neurones attribués à chaque stimulus deviennent liés à force de répétition, et la simple activation d'un des groupes mène automatiquement à l'activation de l'autre, et au déclenchement de la réponse. Le déroulement de la réponse est alors le suivant : Stimulus conditionnel → Stimulus inconditionnel → Réponse.

La théorie a toutefois un problème : il arrive souvent que réponses conditionnées et réflexe soient différentes. Par exemple, la réponse conditionnée est souvent beaucoup plus faible ou plus lente que la réponse réflexe. Dans certains cas, les réponses peuvent être opposées : par exemple, le conditionnement d'un flash lumineux avec un choc électrique peut donner une baisse du rythme cardiaque, alors que le choc électrique seul augmente le rythme cardiaque. Pour résoudre ces problèmes, une autre classe de théorie suppose qu'une nouvelle association va se former entre le stimulus neutre et la réponse. Dans les théories stimulus-réponse, le stimulus neutre est associé avec la réponse directement : il n'y a pas d'intermédiaires.

Le modèle de Rescorla-Wagner

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Le modèle du conditionnement classique le plus connu est un modèle mathématique assez complexe appelé modèle de Rescorla-Wagner. Dans ce modèle, la relation entre stimulus et réponse est modélisée par un nombre appelé la force d'association. Plus celui-ci est grand, plus le stimulus entraîne une réponse forte. Il va de soi que plus on présente le stimulus neutre et inconditionnel en même temps, plus le stimulus neutre verra sa force associative augmenter.

Mais le mécanisme qui fait augmenter la force associative n'est pas la simple présentation des stimulus. Le modèle suppose que c'est la surprise induite par les stimulus qui modifie la force associative. Quand un stimulus neutre est présenté pour la première fois avec un stimulus inconditionnel, le sujet sera surpris par une situation inédite : la force associative changera grandement. Mais à force de répétitions, l'effet de surprise diminuera, par force d'habitude et la force associative ne sera que peu modifiée. En clair, la force associative est modifiée par l'information apportée par le stimulus neutre ou conditionnel : un stimulus réellement informatif permet de prédire avec un bon degré l'arrivée future du stimulus inconditionnel.

Évidemment, l'information apportée par le stimulus dépend de l'attention que le sujet lui porte. Mais dans le modèle de Rescorla-Wagner, ce paramètre est mis de côté. L'effet de l'attention est résumé par un vulgaire paramètre de salience, qui désigne la capacité du stimulus à attirer l'attention. Dans ce modèle, la salience du stimulus ne varie pas dans le temps. C'est une hypothèse simplificatrice, qui est relâchée dans d'autres modèles plus évolués.

Évolution de la force de l'association dans le modèle Rescorla–Wagner, suite à la présentation répétée d'un stimulus. On voit que la force associative augmente progressivement avec les répétitions.

Le tout est résumé dans l'équation suivante, qui décrit la variation de la force d'association entre stimulus conditionnel et réponse, lors d'une présentation unique. Notons que cette équation est une version simplifiée du modèle de Rescorla-Wagner, mais qui suffit pour une introduction basique.

, avec la force d'association du stimulus , la salience du stimulus conditionnel, la salience du stimulus conditionnel inconditionnel.

Cette version simplifiée du modèle permet de rendre compte de ce qui se passe lors de l'apprentissage, lors du conditionnement. Au départ, le stimulus neutre n'a aucune force associative avec la réponse. Mais à la suite de la première présentation, la force associative devient positive. À force de présentations, la force associative augmente de plus en plus, mais de moins en moins vite. Le tout est illustré dans le graphique ci-contre. L'extinction a lieu suivant le même mécanisme, sauf que la variation calculée est négative, donnant une décroissance initialement rapide, puis de plus en plus lente.

En théorie, le modèle ne permet pas de rendre compte de l'inhibition latente (le fait qu'un stimulus conditionnel familier se conditionne mal). Mais on peut cependant bidouiller le modèle pour résoudre ce problème. Il suffit de supposer que les stimulus conditionnels familiers ont une faible salience. Plus un stimulus conditionnel a été présenté seul avant le conditionnement, plus sa salience est faible. Le stimulus, maintes fois répété, est devenu familier et sa salience s'est affaiblie. Or, l'équation de Rescola-Wagner nous dit que l'apprentissage est proportionnel à la salience du stimulus. En faisant cela, on explique pourquoi le conditionnement d'un tel stimulus est plus lent que pour un stimulus non-familier.

Mais le modèle de Rescorla-Wagner est plus complexe que l'équation précédente. Il ajoute le fait que plusieurs stimulus conditionnels peuvent être présentés en même temps que le stimulus inconditionnel, et non un seul. Les stimulus conditionnels entrent alors en compétition les uns avec les autres, pour s'associer avec le stimulus inconditionnel. Si on suppose que i stimulus différents sont présentés, on a alors :

, avec la force d'association du stimulus , la salience du stimulus conditionnel, la salience du stimulus conditionnel inconditionnel et la force d'association maximale possible.

L'équation dit que la variation de la force associative ne dépend pas que du stimulus conditionnel/neutre présenté, mais aussi de tous les autres stimulus présentées en même temps. C'est pour cela qu'il y a une somme dans le second terme.

Avec cette modification, le modèle explique le blocage assez simplement : le stimulus conditionné l'emporte sur le stimulus neutre, et ce dernier n'est pas conditionné. Dans l'équation précédente, la somme est dominée par la force du stimulus conditionnel, qui est proche de et la parenthèse s'annule presque. La variation de la force associative est alors faible pour tous les stimulus, y compris le stimulus neutre. Il y a donc blocage.

Les autres modèles

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Avant, ou après l'apparition du modèle de Rescola-Wagner, d'autres modèles mathématiques du même genre sont apparus dans la littérature scientifique. Les théories plus récentes mettent l'accent sur l'attention, qui permet au sujet de focaliser son attention sur un stimulus plutôt qu'un autre. Cette influence de l'attention explique l'inhibition latente : quand un stimulus est familier on n'y fait pas attention, et cela ralentit la formation de l'association. Ces théories permettent aussi d'expliquer les effets de contexte, qui montrent que le conditionnement est fortement lié au contexte d'apprentissage. Il est par exemple beaucoup plus facile si l'extinction et le conditionnement n'ont pas lieu dans le même contexte. Par exemple, si on conditionne un animal dans une chambre, et qu'on le déconditionne dans un milieu ouvert, l'animal peut répondre au stimulus conditionnel dans la chambre, mais pas dans le milieu ouvert. Il arrive aussi que le contexte d'apprentissage joue d'autres tours du même genre, mais pour la récupération spontanée. Par exemple, on observe souvent une récupération spontanée du stimulus conditionnel, si l'on présente celui-ci dans un environnement similaire à l'environnement d'apprentissage. De même, reconditionner un animal est plus rapide si le contexte d'apprentissage et de réapprentissage sont similaires ou identiques.

Les théories actuelles pensent qu'il existe deux processus séparés : un processus automatique qui forme des associations sans intervention de la conscience et un processus qui fait intervenir la mémoire déclarative. Ces deux systèmes prendraient charge des conditionnements différents. Le conditionnement pris en charge par le système non-déclaratif serait ce qu'on appelle le conditionnement au délai. Dans celui-ci le stimulus neutre est maintenu jusqu'à la fin du stimulus inconditionnel. Les animaux les plus simples n'ont que le premier système, tandis que les vertébrés sont capables d'utiliser les deux systèmes. Dans le cas de l'aplysie, par exemple, celle-ci est capable d'apprentissage par conditionnement avec le premier système : le conditionnement dépend juste de modifications des synapses dans un arc réflexe.

Des expériences chez le lapin ont montré qu'on peut enlever une grande partie des aires cérébrales spécialisées dans la mémoire déclarative sans pour autant supprimer l'apprentissage des conditionnements. On peut prendre le cas du clignement des yeux chez le lapin. Quand on cherche à conditionner le clignement des yeux avec un conditionnement au délai, ce conditionnement prend place dans le cervelet, une structure cérébrale chargée de la mémoire non-déclarative. De même, des patients humains avec des lésions au cervelet sont incapables de conditionnement au délai. Le conditionnement déclaratif prendrait en charge le conditionnement de trace, dans lequel le stimulus neutre est terminé quand le stimulus inconditionnel commence. Le conditionnement de trace demande, en plus du circuit présent dans le cervelet, une mobilisation de l'hippocampe et du lobe temporal du cortex, des zones du cerveau chargé de la mémoire déclarative.