Les animaux parlent/L'éléphante de la famille Gruss
C'est l'éléphante de la famille Gruss qui m'a invité à écrire ce livre, il y a quelques années. J'étais venu passer une belle journée d'été avec ma fille, au parc Alexis Gruss, à Piolenc. L'après-midi était consacré aux enfants, d'une façon pédagogique. Ils montraient non seulement leurs numéros de cirque, mais aussi comment ils s'entraînaient et comment ils vivaient avec leurs animaux. Le maître de danse nous a fait l'honneur d'une leçon de valse avec ses chevaux. Ils obéissaient à chacun de ses regards, pour quelques morceaux de sucre. Je ne sais pas si des êtres humains pourraient danser aussi bien qu'eux. Mais la plus impressionnante de tous était l'éléphante. Sous le chapiteau, plus visible que ses prouesses était sa confiance pour son cornac. Ou plutôt son amour, il m'a semblé. Elle le lançait sur sa tête en posant vigoureusement son pied sur un tremplin, et le recevait fièrement sur ses épaules en nous regardant majestueusement.
Après le travail, le plaisir. Le cornac soignait tendrement son éléphante et lui donnait tous les jours une heure de bain de boue, au jet d'eau, en liberté dans le parc, devant tout le monde, sans aucune barrière, parce qu'elle ne pourrait pas faire de mal à une mouche. Je l'ai regardée fixement trop longtemps, assez pour l'énerver, sans le faire exprès. Son regard m'a montré son énervement et je me suis dit "elle est consciente", ce qui est évident, pour qui n'a pas perdu son bon sens, mais pas pour un scientifique, formé au cartésianisme (les animaux-machines, etc.).
Ma réaction étonnée l'a apaisée. Je suis resté calme et elle aussi. Elle m'a même montré son humour. Une petite fille de huit ans lui tournait le dos et n'avait pas vu qu'elle s'approchait. L'éléphante lui a fait coucou avec sa trompe par dessus son épaule, et l'a légèrement effrayée, puis elle m'a jeté un regard complice.