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La théorie des poutres/Annexes/Continuité de la matière

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La continuité de la matière est une hypothèse qui permet de simplifier les calcul, en considérant des fonctions continues (champs scalaires, vectoriels ou tensoriels). Nous savons que cette hypothèse est fausse dans l'absolu, il nous faut donc déterminer son domaine de validité.

Masse volumique d'un cristal

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La matière est constituée d'atomes. Dans un cristal, les atomes sont disposés de manière ordonnée, aux nœuds d'un réseau. Dans le modèle des sphères dures, la compacité maximale est de 74 % : dans le cas des cristaux les plus compacts (par exemple cristaux monoatomiques de structure cubique à faces centrées ou bien hexagonale compacte), il reste 26 % de vide entre les sphères (voir par exemple sur Wikipédia Empilement compact). La matière amorphe, elle, est moins compacte que cela.

Mais la physique subatomique nous révèle que l'atome est constitué d'un noyau entouré d'un nuage électronique ; que ce noyau représente environ 10-15 % du volume de l'atome, mais 99,9 % de sa masse.

Structure cubique simple

Considérons un cristal monoatomique de structure cubique simple (noté Ah dans la notation Strukturbericht ; groupe d'espace n°221, symbole d'Hermann-Mauguin Pm3m). Cette structure est plutôt rare (c'est celle du polonium α), mais c'est la plus simple pour notre exemple. Le paramètre de maille — la longueur de l'arête du cube — est a. La masse d'un atome est appelée m.

Considérons un cube fictif d'arête A, dont le centre est le centre d'une maille. Ce cube a un volume V = A3. Si A < a, ce cube ne contient aucun atome, la masse contenue dans ce cube vaut M = 0. Donc, sa masse volumique vaut

ρ(A) = 0.

Faisons croître A. Lorsque que l'on atteint A = a, le cube englobe brusquement les 8 atomes situés aux angles de la maille. On a donc

V = a3,
M = 8m,
ρ(a) = 8m/a3.

Puis, pour a < A < 2a, le volume du cube augmente, mais il ne contient toujours que 8 atomes, on a donc

ρ(A) = 8m/A3.

qui est une fonction décroissante. Lorsque que l'on atteint A = 3a, le cube englobe brusquement les 136 atomes situés sur cette couche. On a donc

V = 27a3,
M = 144m,
ρ(3a) = 144m/(27a3) ≃ 5,33m/a3.

Et ainsi de suite, la fonction ρ(A) progresse en dents de scie, la hauteur des dents s'atténuant et convergeant vars la valeur

ρ(∞) = m/a3.
Évolution de la masse volumique en fonction de l'arête du cube pour les faible valeurs de A
Évolution de la masse volumique en fonction de l'arête du cube jusqu'à la validité de l'hypothèse de continuité

Considérons le n-ième saut de la fonction ρ. Après le saut, le cube a pour arête A = (2n - 1)a + ε et il contient (2n)3 atomes ; en effet, une arrête contient 2n atomes. Le nombre d'atomes supplémentaires qu'a englobé le saut de A = (2n - 1)a - ε à A = (2n - 1)a + ε est :

un = (2n)3 - (2(n - 1))3 = 24n2 - 24n - 8.

Lorsque l'on atteint la n-ième couche, on passe d'une masse volumique

ρ(An-) = (2(n - 1))3m/(2(n - 1)a)3

à

ρ(An+) = (2n)3m/(2(n - 1)a)3

soit un « saut » de hauteur

hn = ρ(An+) - ρ(An-) = unm/(2na)3
.

Considérons que la matière est continue à partir du moment où la variation est inférieure à 1 %, c'est-à-dire que hn/ρ(∞) ≤ 0,01. On suppose que n est grand ; on peut alors se ramener au comportement asymptotique des fonctions :

.

La condition devient donc

soit

n ≥ 300.

On peut vérifier que l'hypothèse « n est grand » est valide : la différence entre la valeur exacte et la valeur approchée vaut

et le rapport

.

Un calcul exact nous donne n ≥ 301…

La valeur n = 300 correspond à un cube d'arête

A = 599a.

Pour le polonium α, on a a = 3,350 Å soit

A = 20,4 nm = 2,01⋅10-8 m = 0,0000201 mm.

On voit donc qu'avec ce critère, à l'échelle de 0,01 mm, la matière cristalline est bien continue.

Extrapolation de ce calcul

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Avec d'autres types de cristaux, et même avec de la matière amorphe — verres, polymères non cristallisés, liquides —, on obtiendrait toujours une courbe ρ(A) en dents de scie. L'ordre de grandeur de la limite à 0,01 % est 1000a ; pour la matière amorphe, on peut prendre pour a la distance moyenne entre deux atomes ou molécules. Pour l'air, le libre parcours moyen — distance moyenne que parcours une molécule entre deux chocs — vaut λ = 9,7⋅10-5 mm, et donc 1000λ ≃ 0,1 mm, l'air est donc continu à l'échelle de 0,1 mm.