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La politique monétaire/Les banques et leur bilan comptable

Un livre de Wikilivres.

Le bilan comptable est un "résumé" des possessions et dettes d'une entreprise (ici, la banque), composé d'un actif et d'un passif. L'actif correspond à ce que la banque possède, tandis que le passif est l'ensemble de ce que doit la banque à ses créanciers et investisseurs.

L'actif correspond à l'ensemble des actifs détenus par la banque centrale, essentiellement les prêts qu'elle a accordés, ainsi que des obligations, actions, possessions immobilières et réserves de change. L'actif est précisément calculé en faisant la somme du prix de chaque actif par sa quantité détenue par la banque. L'actif de la banque est composé d'actifs (ici indicés) , qui ont chacun un prix . L'actif total de la banque centrale vaut donc :

.

La variation de l'actif peut avoir deux sources : soit l'achat d'actifs, soit l'augmentation du prix des actifs déjà achetés.

.

Le passif est la somme des dettes de la banque et de son capital (la dette est l'argent dû à ses créanciers, alors que le capital est l'argent que la banque doit à ses actionnaires/propriétaires). Le passif de la banque est composé des dépôts sur ses comptes, des dettes qu'elle doit à divers investisseurs (émission d'obligations ou dettes auprès d'autres banques) et des fonds propres (le capital). Notez que les dépôts sont considérés comme des dettes : quand vous déposez votre argent à la banque, celle-ci vous doit cet argent et accepte d'honorer sa dette à la moindre demande de retrait, ce qui ressemble plus à une dette qu'à du capital. Précisons que l'actif et le passif doivent être égaux, sans quoi le bilan comptable est automatiquement erroné.

Actif Passif
Prêts :
  • Prêt à la clientèle (particuliers ou professionnels).
  • Prêts à d'autres banques, sur le marché interbancaire.

Dette :

  • Dépôts de la clientèle, dont comptes courants et livrets.
  • Emprunts interbancaires, réalisés auprès d'autres banques, d'assureurs.
  • Emprunts obligataires, réalisés sur le marché obligataire.
Réserves bancaires (obligatoires ou excédentaires)
Titres et autres actifs (obligations, actions et immobilier) Capital :
  • Fonds propres

Précisons que certains actifs peuvent se déprécier, c'est à dire perdre leur valeur. Par exemple, prenons le cas où une banque détient un patrimoine immobilier à son actif. Si le prix de ses actifs immobiliers diminue, suite par exemple à un retournement du marché immobilier, alors cela se répercute sur l'actif dans son bilan. La colonne de l'actif doit diminuer du même montant que les pertes encaissées. Vu que l'actif doit être systématiquement égal au passif, le passif doit automatiquement diminuer du même montant. Mais la banque ne peut pas répercuter cette baisse sur les dettes qu'elle doit honorer : une entreprise doit être capable de rembourser ses dettes et donc avoir un actif égal au montant des dettes pour les couvrir. Elle est donc obligée de répercuter cette perte sur son capital. Ainsi, les pertes d'une banque ne sont pas encaissées par ses créanciers ou ses déposants, mais par ses actionnaires/propriétaires. Si le capital tombe à zéro, une banque commerciale fait faillite (par contre, ce n'est pas le cas pour une banque centrale, comme on le verra plus loin).

Le bilan comptable de la banque centrale

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Le bilan comptable de la banque centrale fait appel aux prêts qu'elle accorde aux banques commerciales, aux actifs qu'elle possède, ainsi qu'aux réserves et espèces.

Actif Passif
Prêts aux banques et établissements de crédit Espèces (billets et pièces)
Titres : obligations et actions (obligations d'état, le plus souvent) Réserves (comptes courants des banques)
Autres, comme les réserves de devises ou d'or Autres, tels le capital social et les fonds propres (ne font pas partie de la base monétaire)

L'actif d'une banque centrale

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Au niveau de l'actif de la banque centrale, on trouve évidemment les prêts qu'elle accorde aux banques commerciales, mais aussi des obligations, des actions, des réserves de change, et d'autres actifs qu'elle a acquis sur le marché. Pour simplifier, on peut classer les actifs d'une banque centrale en plusieurs types principaux : l'or, les réserves de change, le solde du gouvernement et les instruments financiers.

Actif d'une banque centrale
Stocks d'or et de métaux précieux
Solde du gouvernement
Réserves de change Devises
Stocks d'or, autres
Instruments financiers Prêts aux banques et établissements de crédit
Titres : obligations et actions (obligations d'état, le plus souvent)

L'or détenu par les banques centrales est généralement un reliquat de l'étalon-or, l'ancien système monétaire basé sur l'or qui s'est effondré durant la période comprise entre les années 40 et 80. Ce qui explique que les banques centrales ont souvent beaucoup d'or, comparé au reste des entreprises, souvent plusieurs tonnes par banque centrale. La gestion comptable de cet actif est quelque peu étrange et il n'existe pas de normes comptables pour sa valorisation. Ce qui fait que le traitement des réserves d'or varie beaucoup suivant les banques centrales, chacune faisant à sa sauce. Une partie de l'or détenue fait en fait partie des réserves de change, alors qu'une autre n'a rien à voir avec les marchés des changes. Suivant la banque centrale, la distinction est faite dans le bilan comptable ou non. La valeur des réserves d'or est comptabilisé soit en tenant compte de son prix de marché (le prix de vente actuel), soit du prix auquel la banque centrale a acquis l'or. Là encore, tout dépend de la banque centrale.

Les réserves de change sont des actifs qui sont libellés dans une monnaie étrangère. Par exemple, certaines banques centrales possèdent beaucoup d'obligations d'états de pays étrangers, en raison de leur politique monétaire. Elles peuvent aussi posséder de la monnaie de pays étrangers, sous forme d'espèces ou de dépôts bancaires. C'est surtout le cas pur les banques centrales qui manipulent leur taux de change, ou qui interviennent sur les marchés des devises. Beaucoup de pays en développements sont dans ce cas et leurs réserves de change sont majoritairement en dollars. Évidemment, la valeur des réserves de change varie avec les taux de change, ce qui fait que la banque centrale peut faire des plus-values ou des moins-values suivant la manière dont évoluent les devises.

Pour certaines banques centrales, leur bilan contient l'argent de l'état, le solde du gouvernement L'état, comme tout autre agent économique de grande envergure, a besoin d'avoir un ou plusieurs comptes courants. Certains pays ont fait le choix de déléguer cela à des banques commerciales, qui se chargent de la gestion des deniers publics. C'est un choix adéquat pour les pays sans banques centrales, mais la majorité des pays avec une banque centrale préfère que ce soit la banque centrale qui serve de banque au gouvernement. Pour ces pays avec une banque centrale, l'état a un compte courant à la banque centrale. Les impôts viennent s'accumuler sur ce compte courant, alors que les dépenses du budget général en sortent. L'argent de l'état est alors placé dans les actifs de la banque centrale, au même titre que les réserves de change. Néanmoins, si la banque centrale gère les virements et opérations courantes, la loi limite les opérations qu'elle peut faire sur ce compte courant d'état. Dans de nombreux pays, elle n'a pas le droit d'utiliser la création monétaire pour y ajouter de la monnaie, que ce soit sous forme de don ou de prêts. Dit autrement, elle n'a pas le droit de financer directement les états.

Passons maintenant aux instruments financiers détenus par la banque centrale. On peut noter que les banques centrales préfèrent investir dans des actifs relativement sûrs, essentiellement des obligations d'état. Peu de banques centrales possèdent des actions ou des instruments similaires, la seule exception étant la banque centrale du Japon, qui détient une grande partie des ETFs sur les indices japonais. À titre d'exemples, les graphiques ci-dessous montrent la composition du bilant des banques centrales japonaise et américaines, qui sont majoritairement dominés par les obligations d'état. On voit que la banque centrale japonaise conserve une grosse majorité de ses actifs sous la forme de dette de l'état japonais. La réserve fédérale américaine n'est pas en reste, même si les proportions sont moindres que pour la banque du Japon. On peut remarquer qu'à la suite de la crise économique de 2008, la réserve fédérale américaine a acheté de nombreux actifs basés sur des crédits, les fameux MBS impliqués dans la crise financière de 2008.

Bilan comptable de la Banque du Japon.
Bilan comptable de la Federal Reserve.

Le passif d'une banque centrale

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L'argent détenu par la banque centrale, son passif, est la somme de son capital et de ce qu'on appelle la base monétaire. Il est composé d'une faible portion de capital, des espèces en circulation et de ce qu'on appelle les réserves bancaires.

Passif d’une banque centrale
Base monétaire Espèces en circulation (currency)
Réserves bancaires Espèces conservées par les banques (vault cash)
Dépôts électroniques à la banque centrale (réserves électroniques)
Passif hors base monétaire Capital de la banque centrale

Les réserves bancaires correspondent à de l'argent que les banques commerciales possèdent. Elles regroupent à la fois la monnaie électronique et l'argent physique possédé par la banque. Outre les pièces et billets stockées dans les coffres de la banque, les banques commerciales conservent leur monnaie électronique sur un compte courant à la banque centrale. Dans ce qui va suivre, nous allons utiliser le terme "réserves électroniques" pour parler de la monnaie électronique stockée à la banque centrale. Au passage, sachez que la banque centrale peut échanger les réserves électroniques contre des espèces à n'importe quel moment, sur simple demande. Cette opération ne fait que convertir de la monnaie électronique en billets ou pièces, mais ne change pas le montant total des réserves de la banque.

Les réserves, électroniques ou en espèces, ont toutes les caractéristiques de la monnaie. Elles peuvent circuler d'une banque à l'autre (lors d'un virement entre banques), être prêtée, être épargnée à la banque centrale, etc. Quand vous faites un virement vers une autre banque, ce n’est rien de plus qu'un mouvement de réserves : votre banque donner un montant équivalent de réserves à la banque réceptrice, argent qui est ensuite crédité au destinataire. Les banques mettent donc en réserve une partie de l'argent de leurs déposants, pour servir efficacement les retraits.

Les réserves proviennent des dépôts des clients, mais peuvent aussi provenir de la banque centrale. La banque centrale a la possibilité de prêter des réserves aux banques commerciales qui en font la demande. Il va de soi que plus le taux est élevé, plus les banques préféreront éviter d'utiliser l'emprunt à la banque centrale : la quantité de réserve sera alors assez faible. Par contre, des taux bas inciteront les banques à emprunter au guichet de la banque centrale, ce qui augmente la quantité de réserves en circulation. In fine, ces réserves pourront alors soit être prêtées, soit servir à acheter des actifs, soit être conservées telles quelles.

Maintenant, précisons ce que l'on veut dire par : "les réserves proviennent en partie des dépôts des clients". Pour être plus précis, elles correspondent à une fraction des dépôts que les banques conservent à la banque centrale, le reste étant prêté ou utilisé d'une manière ou d'une autre par la banque. La raison à cela est qu'elles sont tenues de le faire par la réglementation bancaire, mais aussi parce que ces réserves leur permettent d'assurer les retraits d'argent de leurs clients. Du fait de la réglementation, les banques doivent conserver une fraction minimale des dépôts sous la forme de réserves obligatoires. Précisément, la réglementation financière les oblige à en conserver un certain pourcentage, ce pourcentage étant appelé le taux de réserve. Mais les banques commerciales sont souvent assez prudentes et peuvent mettre en réserve un peu plus que ce qu'oblige la réglementation. La plupart du temps, les banques n'hésitent pas à garder des réserves au-delà de ce qui est requis par le taux de réserve, ces réserves de précaution étant appelées des réserves excédentaires. Pour donner un exemple, de nombreux pays n'imposent pas un niveau minimal de réserves, leur taux de réserve étant nul... Et pourtant, les banques de ces pays gardent environ 1 à 5% de réserves sur leurs comptes.

Enfin, outre les réserves, la base monétaire contient aussi les pièces et billets en circulation dans l'économie. Attention cependant à ne pas confondre avec les espèces conservées par les banques. Il faut bien faire la distinction entre les espèces stockées par les banques dans leur coffre, et les espèces qui ne sont pas dans une banque. Les pièces et billets dans votre porte-monnaie font bien partie de la base monétaire, mais elles ne font pas partie des réserves bancaires vu qu'elles ne sont détenues par aucune banque. Il n'existe pas de terminologie française pour exprimer cette distinction, mais les anglo-saxons font la différence entre vault cash et currency, le premier terme correspondant à l'argent conservé dans les coffres des banques, alors que le second correspondant à l'argent qui circule dans l'économie hors des banques. Cette petite différence a de grandes implications. En effet, les espèces en circulation font partie à la fois de la base monétaire et de la masse monétaire. Par contre, ce n'est pas le cas pour les réserves en espèces, qui font uniquement partie de la base monétaire, mais ne sont pas comptées dans la masse monétaire. Cela a des implications pour la création monétaire stricto sensus, comme nous le verrons plus bas.

Base monétaire
Espèces en circulation (currency)
Réserves bancaires Espèces conservées par les banques (vault cash)
Dépôts électroniques à la banque centrale (réserves électroniques)

Après avoir vu la base monétaire, parlons du reste du passif, à savoir le capital de la banque centrale. Les banques centrales ont, comme toutes les banques, une organisation capitalistique, bien qu'elle soit assez spéciale. En tout cas, elles possèdent des fonds propres et des capitaux, sous la forme d'actions. Sauf que les actions de la banque centrale ne sont pas normalement accessibles en bourse, mais sont détenues intégralement par l'état. Par exemple, la banque centrale française est totalement détenue par l'état français, qui en possède la totalité des actions. Il existe cependant quelques exceptions, où la banque centrale est détenue en partie par l'état et en partie par des investisseurs privés. C'est le cas pour les banques centrales des états-unis, du Japon, de Grèce, de Belgique, De Turquie, d'Italie, de Suisse, de l'Afrique du Sud, et de San Marino. Les banques centrales du Japon, de Grèce, de Belgique et de Suisse sont même cotées en bourse ! Mais la plupart de ces banques centrales ne verse pas de dividende et leurs actions sont sans droits de vote.

La situation est un peu plus complexe dans le cas des unions monétaires, où plusieurs pays partagent la même banque centrale. Dans ce cas-là, les différents pays doivent se répartir les actions de la banque centrale. Tel est le cas de l'union européenne, où la banque centrale européenne a pour actionnaires les banques centrales de chaque pays de la zone euro. Le poids de chaque banque dans l'actionnariat de la BCE est proportionnel à sa population et au poids du PIB dans la zone euro.

Répartition des actionnaires de la BCE

Les spécificités comptables des banques centrales

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La banque centrale a le pouvoir de créer de la monnaie à partir de rien. Mais ce pouvoir peut être limité par son mandat ou d'autres contraintes légales, qui font que la banque centrale ne peut pas créer de monnaie n'importe comment, ni la donner à n'importe qui. Mais si on met ces contraintes de coté, alors la banque centrale peut créer de la monnaie à partir de rien, sans avoir à produite ou vendre quelque chose. Elle peut théoriquement fabriquer des billets ou des pièces et les mettre en circulation, avec ou sans contreparties. Et elle peut faire la même chose avec de la monnaie électronique, qu'elle peut créer à partir de rien et mettre en circulation. Cependant, la mise en circulation ne se fait pas forcément sans contrepartie : en temps normal, la banque centrale échange la monnaie qu'elle crée contre quelque chose qui a de la valeur (un actif financier en général). La création de la monnaie se fait donc en contrepartie de quelque chose qui a une valeur équivalente, du moins en temps normal.

Du fait de sa création monétaire, la banque centrale peut voir son actif et son passif évoluer dans le temps. Si l'actif de la banque centrale se déprécie, cela doit se répercuter sur le passif, vu que passif et actifs doivent systématiquement rester égaux. Comme pour toutes les banques, cela est réalisé en réduisant le capital de la banque centrale, sans répercussion possible sur ses dettes. Les propriétaires de la banque centrale encaissent donc les pertes, sans que ses créanciers ne soient aucunement touchés. Il est possible que, suite à des dépréciations importantes, le capital de la banque centrale devienne nul, voire négatif. En théorie, si le capital d'une banque commerciale est à zéro, elle fait faillite. Mais ce n'est pas le cas d'une banque centrale, qui peut fonctionner avec un capital négatif indéfiniment, sans aucun problème ! C'est même la définition d'une banque centrale : c'est la seule banque à continuer de fonctionner alors que son capital est nul ou négatif : l'état ne peut pas faire faillite.

Cependant nombre d'états préfèrent respecter les règles appliquées aux autres banques et doivent alors mettre la main au porte-monnaie pour compenser les pertes de la banque centrale. La banque centrale respecte alors certaines règles de comptabilité, communes à toutes les banques. Par exemple, on considère que l'actif et le passif de la banque centrale doivent être égaux. La création monétaire augmentant mécaniquement le passif, elle doit fatalement augmenter l'actif d'un même montant. Ainsi, la création monétaire doit se faire en contrepartie de quelque chose de réel, qui a de la "valeur" : des actifs, tels des contrats de prêt, des actions, obligations, devises ou autres. Cela garantit que la monnaie n'est pas créée sans contrepartie, sans quelque chose qui représente de la valeur dans l'économie.

La création de monnaie sans achat d'actif reste cependant possible, mais n'est pas une politique envisagée à l'heure actuelle. Il s'agit d'une forme de création monétaire qui porte le nom de monnaie hélicoptère (helicopter money). En théorie, la banque centrale doit être recapitalisée par l'état, pour compenser ses pertes. Du moins, c'est le cas si la banque centrale suit les règles de comptabilité usuelles, communes à toutes les banques. Mais en théorie, il est possible de passer outre cette règle, et de ne pas recapitaliser la banque centrale après une période de monnaie hélicoptère. De l'argent est alors créé sans contrepartie, ce qui est la forme la plus pure de "planche à billets".

Le seigneuriage

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Il se peut qu'en poursuivant sa politique monétaire, la banque centrale fasse des profits. Par exemple, elle peut recevoir les intérêts sur les prêts qu'elle accorde aux banques, ou recevoir les intérêts des obligations qu'elle détient dans son portefeuille de titres. Elle peut aussi vendre des actifs acquis auparavant, dont la valeur a augmenté depuis leur achat, ce qui arrive souvent avec les obligations. Techniquement, les actifs achetés par la banque centrale versent des intérêts ou des dividendes, source de profit. Il en est de même pour les prêts qu'elle octroie aux banques commerciales, qui versent des intérêts. Le profit de la banque centrale est aussi appelé le seigneuriage.

Le seigneuriage provient de deux sources : la création monétaire elle-même, ainsi que les revenus des actifs (plus-value et intérêts). On peut deviner qu'une politique accommodante, avec beaucoup d'achats d'obligations, va maximiser le seigneuriage. Après tout, les intérêts des obligations détenues par la banque centrale seront reversées à l'état sous forme de dividendes. Et plus la banque centrale possède d'obligations, plus ses revenus obligataires seront élevés. Ainsi, les gouvernements sont naturellement tentés d'utiliser une politique monétaire accommodante, afin que leur banque centrale fasse beaucoup de profits. C'est un bon moyen pour monétiser leur dette.

Le profit de la banque centrale est redistribué à ses actionnaires, à savoir l'état et éventuellement diverses administrations publiques. Il se peut cependant que la banque centrale ne redistribue pas la totalité de ses bénéfices et les conserve pour plus tard. Ce bénéfice non-distribué sert alors à augmenter son capital social (ses fonds propres).

Le bilan des banques commerciales

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Les mécanismes comptables vus au début du chapitre valent aussi pour les banques commerciales/privées, qui ont un bilan comptable comme toutes les banques. Si vous regardez les bilans des banques commerciales les plus connues, vous verrez qu'elles ont beaucoup plus de dettes que de capital. Si on regarde le pourcentage du passif sous forme de dettes, on est proche de 90%, voire 97% pour certaines banques. C'est beaucoup plus que pour les autres entreprises et cela met les banques face à un risque de faillite assez élevé. Nous allons expliquer pourquoi elles font cela.

La marge d'intermédiation bancaire

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Illustration de la marge d'intermédiation financière.

Le bilan d'une banque est rempli de dette et d'actifs, auxquels on peut adosser un taux d'intérêt, ou du moins un rendement. Qu'il s'agisse des emprunts interbancaires, des prêts financés par la banque, des dépôts bancaires (pensez aux taux des livrets bancaires), des actifs acquis par la banque, des réserves : tous sont rémunérés par un taux d'intérêt (sauf quelques dépôts bancaires, comme les comptes courants, mais c'est un détail). Le fait est que ces taux n'ont pas la même signification selon qu'ils sont adossés à l'actif ou au passif. Les intérêts de ses actifs sont de l'argent qui lui revient. Les intérêts qu'elle perçoit sur ses prêts, sur ses réserves bancaires, ou sur ses actifs, sont autant d'argent qui appartient à la banque. Mais pour les taux des dépôts et dettes de la banque, il s'agit d'un coût : il s'agit des intérêts que la banque doit verser à ses déposants ou à ses créanciers. La banque va naturellement devoir compenser les intérêts qu'elle paye à ses clients/créanciers par les intérêts qu'elle perçoit sur son actif.

La différence entre intérêts perçus sur ses actifs et ceux dus pour son passif est appelée la marge bancaire nette d'intérêt, ou encore la marge d'intermédiation. Il s'agit de l'argent que la banque a réellement gagné une fois qu'elle a versés ses intérêts liés au passif. Évidemment, les intérêts liés à l'actif doivent être supérieurs aux intérêts liés au passif, sans quoi la banque ne peut rembourser ses créanciers/déposants. Pour simplifier, ce n’est possible que si le taux moyen délivré par ses actifs est supérieur au taux moyen de ses dettes (modulo quelques cas particuliers). Ce qui fait que le fonctionnement d'une banque se résume ainsi : emprunter à taux bas pour prêter à taux élevés et empocher la différence entre les deux. Par exemple, prêter à 5% de l'argent emprunté à 3% donne un rendement brut de 2%. La différence entre le taux d'emprunt et le taux de prêt porte un nom : c'est la marge d'intérêt, ou encore le taux de marge d'intermédiation.

Les banques doivent emprunter à un taux plus faible que celui auquel elles prêtent et si possible à un taux le plus bas possible. Pour cela, elles financent leurs prêts en priorité par leurs dépôts, qui ne sont pas rémunérés ou alors avec un taux extrêmement faible. Vous remarquerez que les comptes courants sont pas ou très peu rémunérés, de même que les livrets (qui font partie des dépôts). Ce n'est qu'une fois la quasi-totalité des dépôts utilisés que la banque recourt à l'emprunt interbancaire, dont les taux d'intérêts sont plus élevés que ceux des dépôts. Enfin, elle peut recourir à l'emprunt obligataire, voire à des élevées de capital en bourse, mais le cout de ces opérations est prohibitif et ne peut servir qu'à financer des prêts très rémunérateurs, fort bien rares. Le bilan d'une banque doit donc être composé principalement de dépôts et d'emprunt interbancaire, avec très peu d'emprunts obligataires et un très faible capital.

L'effet de levier bancaire

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On vient de voir que les banques empruntent de l'argent pour le prêter, ou du moins pour acheter des actifs rémunérateurs. La banque doit évidemment avoir plus d'intérêts délivrés par ses actifs que d'intérêts à fournir à ses créanciers/déposants. L'utilisation de la dette pour financer des actifs porte un nom : c'est l'effet de levier. Son utilité principale est d'augmenter le rendement d'un investissement, ici ceux de la banque, ce qui plait aux actionnaires/investisseurs. Mais pour cela, il faut paradoxalement maximiser la dette de l'entreprise, du moins tant que le taux de marge d'intérêt est positif. Dans cette section, nous allons voir en quoi l'effet de levier explique pourquoi les banques ont tant recours à l'endettement.

Effet de levier - schéma explicatif

Cependant, les banques ne se financent pas que par l’emprunt, mais aussi sur leurs fonds propres, leur capital : sur l'actif total, une part est financée sur fonds propres et une autre par de l'emprunt. Maintenant, supposons que l'actif a un rendement bien précis, qui sera appelé rendement de l'actif. La part financée sur fonds propres aura un rendement égal au rendement de l'actif, mais ce ne sera pas le cas de la part financée par la dette. La part financée par la dette aura un rendement égal au rendement du capital, auquel il faut enlever le paiement des intérêts de la dette. Le résultat est que la part de l'actif financée par la dette aura un rendement égal à la marge d'intérêt. Rappelons que cette marge d'intérêt est distribuée aux actionnaires uniquement. Par exemple, si les actifs ont un rendement de 5% de rendement et que 3% sont remboursés aux créanciers, les 2% de taux de marge vont aux actionnaires. Le rendement pour les actionnaires dépend du taux de marge d'intérêt (ici, les 2%), mais aussi de la quantité de dettes et de fonds propres et plus précisément du ratio capital/passif. En effet, les 2% sont sur la part financée par la dette, pas sur l'actif total. Le tout est résumé dans le schéma ci-contre. On devine donc qu'à capital égal, il vaut mieux augmenter le plus possible la dette pour profiter de la marge d'intérêt, du moins en tant qu'actionnaire.

Dans ce qui va suivre, nous allons mettre le tout en équations, en posant :

  • le taux moyen délivré par ses actifs ;
  • le taux moyen adossé à ses dettes ;
  • son actif et son passif ;
  • le montant de dettes à son passif (dépôts inclus s'ils sont rémunérés) ;
  • le montant de son capital.

Premièrement, calculons la différence entre ce que la banque touche sur ses actifs et ce qu'elle doit à ses créanciers. Cette différence est destinée à être reversée à ses actionnaires et donne la quantité d'argent auquel le capital donne droit. Nous allons appeler cette différence le rendement net, et nous allons le noter .

Sachant que , on a :

Quelques simplifications algébriques donnent :

, où le terme de gauche donne l'argent gagné par investissement en fonds propres, alors que le terme de droite donne l'argent gagné du fait de la marge d'intérêt.

En divisant par C, on trouve le rendement total d'une unité de capital :

On voit que le rendement d'une banque dépend du rendement de ses actifs , du taux différentiel d'intermédiation : , mais aussi du rapport dette/capital : . Cela explique pourquoi les banques ont autant de dettes : c'est pour obtenir un rendement maximal pour leurs actionnaires/propriétaires. C'est totalement à l'opposé de ce qu'on observe chez les autres entreprises, où les dépôts sont inexistants et où le capital et les emprunts obligataires sont bien plus importants.

L'utilisation de l'effet de levier n'est pas sans risques, car il fonctionne d'autant mieux que la banque a peu de capital. Le principal est que le ratio capital/passif diminue fortement. Rappelons que pour ne pas faire faillite, la banque doit être capable de répercuter une dépréciation de ses actifs sur son capital, elle doit avoir un capital suffisant pour encaisser des pertes. Or, l'effet de levier augmente fortement la dette et l'actif, sans augmentation du capital. La banque se retrouve donc avec un capital riquiqui et des actifs susceptibles de se déprécier : le risque de faillite est augmenté par l'effet de levier. En conséquence, une banque doit donc faire attention ne pas avoir un ratio capital/dettes trop faible, sans quoi les moindres pertes sur ses actifs peuvent lui faire faire faillite. La réglementation bancaire impose un levier maximal dans la plupart des pays développés, afin de réduire les risques de faillite.

La transformation de maturités

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Un point particulier des banques commerciales est qu'elles gèrent des dettes qui ont des liquidités très différentes : d'un côté le passif est composé d'actifs extrêmement liquides, de l'autre l'actif est composé d'actifs assez illiquides. Les dépôts peuvent être retirés quasiment immédiatement, les emprunts interbancaires ont une maturité assez faible : ce sont des instruments très liquides, qui ont une faible maturité. Par contre, les instruments financiers de l'actif ont des maturités plus longues : entre 15 et 30 ans pour les prêts immobiliers, plusieurs années pour les prêts à la consommation, etc. Seules les réserves et les espèces sont liquides et peuvent être virés ou retirés immédiatement. On résume cela par l'adage : "les banques se financent à court-terme et prêtent à long-terme". D'une manière plus technique, on dit que les banques font de la transformation de maturités.

La raison en est simple : c'est pour maximiser le taux de marge d'intérêt. Le fait est qu'il y a une relation mécanique entre maturité d'un prêt et son taux : plus la maturité est longue, plus le risque est important et plus le taux est élevé. Pour profiter de l'effet de levier, les banques sont donc encouragées à emprunter à taux bas, ce qui implique des maturités courtes, pour prêter à des taux hauts, ce qui implique des maturités élevées. La composition du bilan d'une banque s'explique, du moins dans les grandes lignes, par cette utilisation de l'effet de levier bancaire.

Mais la transformation de maturités n'est pas sans risque et expose les banques à un risque de liquidité : si trop de clients retirent leurs encaisses en même temps, les banques n'auront pas assez de liquidités pour rembourser tout le monde. Elles seront alors obligées de revendre leurs titres de dettes pour acquérir les liquidités nécessaires et feront faillite si elles n'y arrivent pas. Pour éviter cela, les banques utilisent une gestion actif-passif, qui consiste à garder suffisamment de liquidités pour garantir les retraits à venir. Elles doivent estimer la quantité de retraits et de remboursements à venir dans les semaines/mois à venir, et elles doivent ajuster leur niveau de liquidités/réserves en fonction.