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Fils et tissus

Un livre de Wikilivres.

Fils et tissus

Pour réaliser des vêtements, il ne suffit pas de posséder des fibres textiles. Sauf dans la civilisation sumérienne (il y a plus de 5 000 ans) où les pagnes représentés sur les sculptures semblent constitués de grosses mèches de laine, on commence par transformer les textiles en fil, puis en tissu afin d’en fabriquer des vêtements.


C’est à la main qu’on fabriqua longtemps le fil. Au bout d’un bâton appelé quenouille, on plaçait une touffe de laine, de coton, de filasse de lin ou de chanvre, et l’on tirait progressivement une fine mèche que l’on tordait entre le pouce et l’index pour former un fil solide et régulier que l’on enroulait ensuite sur un bâtonnet ; les bergères d’autrefois filant la laine tout en surveillant leur troupeau, rouet qui permettait d’embobiner plus rapidement et plus régulièrement le fil. Une pédale faisait tourner une roue qui, grâce à une courroie, assurait la rotation de la bobine.

Le filage à la machine

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C’est au milieu du XVIIIe siècle que des Anglais créèrent les premières machines à filer, d’abord actionnées par l’énergie des moulins à eau, puis par des machines à vapeur. Au XIXe siècle, toutes les filatures étaient d’énormes ateliers où chaque ouvrier ou ouvrière surveillait plusieurs machines, notamment pour rattacher le fil s’il venait à se rompre ou pour substituer une bobine vide à une pleine. Si l’on observe à la loupe un fil de tissu ou de tricot, on s’aperçoit qu’il est constitué de multiples fibres tordues ensemble comme dans une corde. Dans les textiles mélangés, le même fil réunit généralement des fibres différentes. On procède ainsi, soit pour abaisser le coût de revient (la laine coûte plus cher que la fibranne qu’on y ajoute), soit pour bénéficier des avantages de chaque matière (le lin se froisse moins si l’on y ajoute du coton ; la laine est plus douce et plus chaude, mais moins résistante qu’une fibre synthétique ajoutée).

Le tissage à la main

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Il est probable que c’est le tressage qui donna l’idée de faire croiser des fils pour constituer une bande solide. À l’origine, les bandes tissées étaient étroites et il existe encore dans des villages sans industrie, en Afrique par exemple, des métiers à tisser ne permettant de réaliser que des bandes de 20 ou 30 cm de large que l’on coud ensuite pour en faire des pièces de tissu plus grandes.

Pour bien comprendre le principe du tissage, on peut fabriquer soi-même un petit métier à tisser avec un cadre de bois. Sur deux côtés opposés, on plante des petits clous sans tête tous les demi-centimètres. Ensuite on fait des allers et retours avec un long fil pour constituer ce qu’on appelle la chaîne du futur tissu. Puis, avec un autre fil qu’on appelle la trame, on croise perpendiculairement en passant tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de chaque fil de chaîne rencontré et l’on fait l’inverse au retour. On tasse bien les fils de trame pour que le tissu soit bien serré. Ce tissage régulier s’appelle le point de toile.

Très tôt, cette façon de passer au-dessus ou au-dessous du fil de chaîne suivant a été facilitée sur les grands métiers à tisser où chaque fil de chaîne était passé auparavant dans le maillon d’une fine tringle de fer qui permettait de soulever ensemble tous les fils de chaîne sous lesquels la fil de trame devait passer, puis au retour tous les autres. Pour passer plus facilement, la bobine du fil de trame était placée dans une navette pointue à ses deux extrémités comme un petit bateau. Mais, au lieu de lever un fil sur deux, on peut aussi alterner différemment pour obtenir d’autres types de tissu, comme le sergé, le satin ou le damassé. Pour obtenir du velours ou du tissu éponge (comme les serviettes de toilette), il faut deux séries de chaînes sur le même métier. Ensuite, selon ce qu’on désire, on laisse les bouclettes ou on les rase, notamment pour le velours. Avec plusieurs navettes de fils de couleurs différentes, on peut créer des dessins colorés variés. Si les fils de chaîne forment eux-mêmes des séries de bandes de couleur, on pourra obtenir des tissus à carreaux, des écossais ou différentes sortes de dessins.


Le tissage mécanique

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Au début du XIXe siècle, pour obtenir plus facilement des dessins en plusieurs couleurs, le mécanicien français Jacquard inventa un système de cartes perforées permettant de programmer à l’avance quels fils de chaîne et quelle navette de fil coloré devaient se croiser. C’était une étape nouvelle vers la mécanisation du tissage. Jusqu’au début du XXe siècle, il resta néanmoins des ouvriers tisserands qui travaillaient chez eux avec un métier à main. Le négociant en tissu leur apportait le fil nécessaire et revenait chercher les pièces de tissu.

Mais, progressivement, le tissage se faisait dans d’énormes usines reconnaissables de loin par la haute cheminée de leurs machines à vapeur, même plus tard lorsque tout fonctionnait avec le courant électrique.

Le blanchiment du tissu

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On pouvait certes se contenter du tissu écru, c’est-à-dire d’un beige plus ou moins clair, car les fibres naturelles n’étaient pas blanches. Pour obtenir ce blanchiment, il fallait dégraisser la laine. Au début, on n’avait rien trouvé de mieux que l’urine fermentée (inutile de décrire l’odeur des ateliers de dégraissage !). Pour le lin, le coton ou le chanvre, il fallait les lessiver. C’est en découvrant l’effet des cendres de bois sur la graisse des chaudrons qu’on découvrit l’effet moussant de ce qu’on appela le savon. Pour blanchir ensuite le tissu, rien n’était plus efficace que les rayons du soleil et, longtemps, on étendit sur les prés les toiles que l’on voulait blanchir.


Après le blanchiment, on pouvait procéder, si on le voulait, à la teinture du tissu ou des écheveaux de fils destinés au tissage. Il n’était pas très difficile de trouver des plantes fournissant de la couleur (on peut le vérifier avec la betterave rouge ou les épinards). Le vrai problème est d’obtenir que les fibres textiles fixent cette couleur et ne la perdent pas au premier rinçage. Il faut donc procéder auparavant au mordançage, c’est-à-dire au trempage dans un bain qui imprègne les fibres d’un produit qui fixera la couleur. Selon les teintures utilisées, le bain de mordançage est différent.

Au début, on se contenta d’écorces ou de plantes sauvages (pissenlit, camomille, bruyère, sureau). Dans l’Antiquité, la couleur pourpre était tirée d’un coquillage marin, le murex. Puis, on cultiva les plantes pour leur qualité tinctoriale : le genêt des teinturiers, le pastel, la garance, puis des colorants naturels importés de pays chauds, comme l’indigo et le cachou. Une variété de cochenille, puceron des pays chauds, fournissait le rouge carmin.

Dans les villes, les ateliers de teinturerie s’établissaient généralement près d’une petite rivière, d’abord pour y puiser l’eau nécessaire pour les bains, ensuite pour y déverser les eaux usées de trempage et de rinçage. Les voisins, pas très ravis, pouvaient savoir quelle couleur le teinturier avait employée ce jour-là. Comme on ne pouvait pas mettre les tissus à sécher sur les près, le grenier d’étendage, au dernier étage des teintureries, était ouvert par de larges baies dont les auvents de bois à claire-voie laissaient passer les courants d’air mais pas la pluie.

Au XIXe siècle, les progrès de la chimie permirent de créer de multiples colorants. Toutes les possibilités de couleurs étaient désormais possibles. On pouvait teindre en usine avant ou après le tissage.

Les tissus imprimés

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Les indiennes, étoffes fabriquées en Orient, avaient été, grâce à des clichés de bois gravé, marquées avant d’être teintes d’un produit qui empêchait la teinture de tenir à l’emplacement des dessins. On utilisa ensuite le même procédé pour des tissus foncés, appelés dégravés, qui restaient mouchetés de petits dessins blancs où la teinture n’avait pas pris.

Pour obtenir des tissus fleuris, comme la cretonne provençale, on imprimait le tissu à la main avec des clichés de bois encrés de couleurs différentes. Au milieu de XVIIIe siècle, le Français Oberkampf installa, à Jouy-en-Josas, une fabrique de tissus de coton imprimés de paysages avec personnages en une seule couleur, grâce à des gravures sur cuivre. D’où leur nom de toile de Jouy. Là encore, le machinisme permit d’imprimer mécaniquement tous les dessins désirés.

Au lieu de croiser des fils pour faire du tissu, on eut très tôt l’idée de travailler un fil, maille après maille, avec un crochet ou des aiguilles à tricoter (évidemment beaucoup plus grosses et plus longues que celles qui servent à la couture). On fabriquait des bonnets, des chaussettes et des gants. Cette activité était, au début, le travail des femmes qui ne devaient jamais rester les mains inoccupées, lorsqu’elles surveillaient les bêtes au dehors, le bébé à l’intérieur ou la marmite qui cuisait dans la cheminée. Mais, pour réaliser des bas de plus en plus fins, furent inventés des métiers mécaniques de bonneterie (ce mot rappelant le but originel du tricot). Des usines fabriquèrent en série des bas, des chaussettes. L’inconvénient du tricot simple est qu’une maille qui craque peut provoquer le détricotage de l’ensemble, d’où l’idée d’entremêler les fils du tricot de façon à les rendre indémaillables. Comme les mailles sont plus élastiques que les tissus, on réalisa également des sous-vêtements et des tricots par ce procédé mécanique.

Le machinisme n’a pourtant pas fait disparaître le tricot à la main qui continue à se pratiquer à la maison. Cela permet de réaliser à bon marché des chandails et des gilets aux dessins parfois compliqués. Au XXe siècle, on proposa des machines à tricoter familiales, mais elles ne connurent pas la vogue espérée par leurs fabricants. De nombreuses personnes préfèrent encore les aiguilles à tricoter moins encombrantes.


Rubans, broderies et dentelles

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Les rubans sont des bandes tissées très étroites. Les plus chers étaient ornés de dessins, parfois réalisés en fil d’argent ou d’or. Des broderies étaient réalisées à l’aiguille pour orner les vêtements.

Ce sont celles qui décoraient le bord des tissus qui donnèrent sans doute l’idée de les prolonger par un motif ajouré : la dentelle. Les premières étaient créées à l’aiguille, parfois pour relier deux morceaux de fin tissu par des entrelacs de fils plus ou moins compliqués. Puis, certaines dentelles furent tressées sur un coussinet. La dentellière y entrecroisait les fils de plusieurs petits fuseaux pour former des dessins, parfois très élaborés, qu’elle fixait au coussin par des aiguilles. On se doute que ce long travail se vendait très cher.

Si la dentelle à la main n’a pas disparu, elle est concurrencée par la dentelle mécanique, réalisée beaucoup plus rapidement.


Les accessoires de couture

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Pour attacher ou fermer les vêtements, on inventa très tôt les boutons fabriqués en diverses matières, notamment en os ou en bois. La plus recherchée fut la nacre de certains coquillages. L’industrie permit ensuite d’inventer des matières différentes qui remplacèrent généralement la nacre. Pour remplacer les cordelières et les lacets de fermeture, on inventa des crochets plats et, plus tard, des boutons à pression dont la partie mâle reste accrochée à la partie femelle par un petit ressort. Plus récemment, fut créée la fermeture à glissière (qu’on appela longtemps “ fermeture-éclair ” qui était la marque d’un des fabricant).

En s’inspirant des fleurs d'aigremoine ou de bardane, dont les minuscules crochets restent accrochés à ce qui les frôle, on inventa au milieu du XXe siècle la fermeture velcro (abréviation de velours et crochets) qui s’accroche rapidement.


L’entretien du linge

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Autrefois, il n’existait pas d’autre possibilité que d’aller à la rivière pour mouiller le linge, de le savonner, à l’origine avec des cendres de bois, de le battre d’abord avec les pieds nus ou avec un battoir de bois, puis de le rincer, le tordre pour l’essorer et l’étendre sur l’herbe pour le faire sécher. Dans le chant n° VI de L’Odyssée, le poète grec Homère décrit comment Nausicaa et ses compagnes vont laver leur linge au bord du fleuve et découvrent avec frayeur Ulysse sauvé de son naufrage. Actuellement, dans le monde, il n’existe pas d’autre solution que le lavage à la rivière pour des populations privées de tout progrès technique.

Dans les villages, furent créés des lavoirs publics, alimentés en eau, où l’on pouvait aller laver son linge. Dans les villes plus importantes, on avait même ajouté des chaudières permettant d’obtenir de l’eau chaude. Pour laver le linge chez soi, le principal problème restait l’approvisionnement en eau courante à l’intérieur des maisons. Longtemps, il fallut aller aux bornes-fontaines pour y remplir des seaux. L’eau courante au robinet se généralisa en France à la fin du XIXe siècle dans les grandes villes et seulement à la moitié du XXe siècle dans les campagnes.

Quand les maisons possédaient l’eau courante, on pouvait y laver le linge, parfois dans une pièce spéciale, appelée buanderie, où l’on ne craignait pas de répandre de l’eau. On faisait chauffer la lessive sur un petit poêle à bois, au charbon ou plus tard au gaz. Un progrès fut la création de la lessiveuse en tôle galvanisée avec un tube central où montait l’eau bouillante qui retombait sur le linge. Mais il manquait l’agitation du linge qui aurait évité l’obligation de le brosser à la main. Les premières machines à laver étaient de simples baquets comportant sous leur couvercle un batteur de bois actionné avec une manivelle. Un autre système était un cylindre métallique perforé que l’on faisait tourner à la manivelle, dans le récipient de lessive, chauffé par dessous. Le tout fut ensuite rendu mécanique grâce à un moteur électrique. L’essorage se faisait depuis l’origine en tordant à la main le linge lavé et rincé, puis apparut l’essoreuse à deux rouleaux qui, en tournant tout en pressant le linge, en chassait l’eau.

Enfin, les machines à laver modernes furent totalement fermées pendant le temps de la lessive. L’eau de lessive fut d’abord chauffée au gaz, puis par une résistance électrique. Le remplissage et la vidange se font désormais par des tuyaux spéciaux qui évitent de répandre de l’eau sur le sol, ce qui permet de les intégrer dans une cuisine ou une salle de bain. On peut programmer la température selon la nature du linge à laver. Désormais, l’essorage centrifuge fait jaillir l’eau du linge en le faisant tourner à toute vitesse.

Pendant longtemps le séchage nécessitait, malgré tout, un étendage en plein air ou sur des séchoirs intérieurs. Jusqu'à la création du séchoir électrique d’où le linge sort prêt au repassage.

Pour être bien lisse et sans faux-plis, le linge doit en effet être repassé avec un fer assez chaud. Au début, et pendant des siècles, il s’agissait d’un fer à repasser plat et assez lourd avec une poignée. On le faisait chauffer sur un poêle et l’on vérifiait près de sa joue s’il n’était pas trop chaud pour le linge délicat. Il exista au XIXe siècle des fers contenant un petit foyer de bois à l’intérieur. C’est avec le fer électrique et surtout la température réglable par thermostat que l’on pouvait désormais repasser sans risque toutes sortes de linges. Les fers à vapeur permettent de repasser plus vite, même les tissus épais. On a inventé des machines à repasser qui sont surtout utilisées par les professionnels des blanchisseries.

Le nettoyage à sec

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Certains tissus ne supportent pas l’eau de lessive, même dans les machines les plus modernes. C’est pourquoi on les confie au nettoyage à sec, c’est-à-dire sans eau. Au début, ce travail se faisait dans des bains spéciaux de liquides dégraissants. Maintenant, cela se fait dans de grosses machines qui évitent les émanations de produits chimiques toxiques. Après nettoyage, on procède au repassage à la vapeur, souvent par pressage, d’où le nom anglais de “ pressing ” donné aux établissements où s’effectue ce type de nettoyage.

Pour en savoir plus sur le même thème

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On peut consulter : Vêtements (pourquoi s’habille-t-on?) ; Textiles ; Costumes (leur évolution au cours des siècles) ; Mode sous Louis XIV