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Contexte historique de la Bible/Considérations Chronologiques

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La Bible n'est assurément pas étrangère à la notion de chronologie. Le décompte du temps est très présent tout au long du texte biblique et notamment dans le récit de la création, Dieu avait prévu que l’homme mesurerait le temps. Très tôt la Bible dit que ‘les luminaires dans l’étendue des cieux’ allaient servir à “faire une séparation entre le jour et la nuit” et servir “de signes et pour les époques et pour les jours et pour les années”. (Genèse 1:14, 15 ; Psaumes 104:19.)

On remarque d’ailleurs de très nombreuses chronologies dans le Pentateuque. Certains passages du livre de la Genèse donnent des renseignements temporels très précis comme les noms des parents et des enfants les uns après les autres sur de longue période. On ne trouve pas seulement les dates de décès et de naissance de chacun, mais aussi l’âge des parents au moment de la naissance de leurs enfants. Ces précieux renseignements permettent d’établir une chronologie biblique.

Cependant, pour comprendre la chronologie biblique, il faut la comparer au système de datation actuel et fixer un point de repère commun à partir duquel on peut compter soit en avant, soit en arrière, et ce en unités de temps (comme les heures, les jours, les mois et les années).

Ce point de repère peut être tout simplement le lever du soleil (pour mesurer les heures du jour), une nouvelle lune (pour compter les jours du mois) ou le début du printemps (pour mesurer une année).

Pour compter des périodes plus longues, les hommes établirent des “ères” auxquelles ils donnaient comme point de départ un événement marquant à partir duquel ils mesuraient des périodes comportant de nombreuses années. Par exemple, dans les nations de la chrétienté, si quelqu’un dit que nous sommes “le 10 octobre 2007 de n. è. (de notre ère)”, il entend que nous sommes “le dixième jour du dixième mois de la deux mille septième année comptée à partir de la date présumée de la naissance de Jésus”.

Cette utilisation d’une ère dans l’histoire profane est relativement récente. L’ère grecque, qui serait l’exemple profane le plus ancien de numération chronologique, n’est apparemment entrée en usage que vers le IVe siècle av. n. è. (avant notre ère.) Les Grecs comptaient le temps au moyen de périodes de quatre ans appelées olympiades, le point de départ étant la première olympiade, dont on a calculé qu’elle commença en 776 av. n. è. En outre, ils identifiaient souvent telle ou telle année en se référant à la durée de l’exercice de tel ou tel homme public.

Les Romains finirent par fixer eux aussi une ère, comptant les années à partir de la date traditionnelle de la fondation de Rome (753 av. n. è.). Ils désignèrent également certaines années en citant les noms des deux consuls en fonction de cette année-là. C’est seulement au VIe siècle de n. è. qu’un moine du nom de Denys le Petit fixa le début de ce qu’on appelle couramment aujourd’hui l’“ère chrétienne” ou plus correctement “notre ère” (l'année choisie comme étant celle de la naissance du Christ est d'ailleurs très certainement erronée).

Les peuples islamiques datent les années à partir de l’Hégire (la fuite de Mahomet de La Mecque en 622 de n. è.). En revanche, rien n’indique que les peuples de l’Antiquité, voisins des Israélites, comme les Égyptiens, les Assyriens et les Babyloniens, aient utilisé le système de l’ère durant une période relativement longue.

Dans le récit biblique, il n’est jamais expressément question d’une ère fixée comme point de départ et par rapport à laquelle tous les événements sont datés ensuite.

C'est d'ailleurs un point de détail problématique pour plusieurs biblistes comme André Chouraqui qui fait cette remarque : "Les Hébreux ignoraient le principe de l'ère (…). Il leur était donc impossible d'avoir une chronologie précise" – L'univers de la Bible par André Chouraqui, Editions Lidis, 1985, Tome X p.124.

Sans vouloir complètement contredire ce prestigieux bibliste, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existait pas de système permettant de donner aux événements passés leur place précise et exacte dans le cours du temps.

Le fait que les rédacteurs de la Bible aient pu citer des chiffres précis relatifs à des périodes de plusieurs siècles lorsqu’ils rapportèrent des événements particuliers démontre que ni le peuple d’Israël ni ses ancêtres ne se désintéressaient de la chronologie.

Ainsi, Moïse a pu écrire : “Il arriva à la fin des quatre cent trente ans [comptés ici à partir de l’époque où Abraham traversa l’Euphrate pour se rendre en Canaan, époque où, semble-t-il, Dieu valida l’alliance conclue avec lui], oui il arriva, en ce jour-là même, que toutes les armées de Jéhovah sortirent du pays d’Égypte.” (Exode 12:41, TMN).

De même, en 1 Rois 6:1, le récit dit que “dans la quatre cent quatre-vingtième année après que les fils d’Israël furent sortis du pays d’Égypte”, le roi Salomon commença la construction du temple de Jérusalem. Toutefois, ni la validation de l’alliance abrahamique ni l’Exode n’en vinrent à servir couramment de départ d’une ère dans l’historique d’autres événements.

Le plus souvent, les rédacteurs de la Bible situent les événements dans le cours du temps un peu comme on le fait naturellement dans la vie courante. De même qu’aujourd’hui quelqu’un situerait un événement en disant qu’il a eu lieu “l’hiver après le grand verglas” ou “six ans après la fin de la guerre du Vietnam”, de même les rédacteurs de la Bible rattachèrent les événements qu’ils racontaient à des points de repère relativement proches.

Dans certains cas, on ne peut tirer de conclusion absolue en matière de chronologie parce qu’on ne connaît pas toujours précisément le repère utilisé par l’écrivain. D’autre part, un rédacteur utilise parfois plus d’un point de départ pour dater les événements à mesure qu’il traite d’une certaine période de l’Histoire. Cette variation dans le choix des points de départ ne trahit pas de l’imprécision ou de la confusion de la part du rédacteur. On ne peut juger ses méthodes uniquement d’après ce qu’on pense être la bonne façon de noter les événements selon les systèmes modernes.

Malgré ce qui a pu être dit par les scientifiques et la Haute Critique, les éléments dont on dispose à ce jour démontrent de façon convaincante que la chronologie biblique n'est pas en contradiction avec les découvertes scientifiques. Elle l'est uniquement avec les différentes interprétations de ces découvertes !


3.1 DE L'HOMOGÉNÉITÉ DU TEXTE BIBLIQUE

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La Bible est un livre historique qui se démarque parmi les écrits anciens. Les récits historiques des Égyptiens, des Assyriens, des Babyloniens, des Mèdes, des Perses et d’autres peuples de l’Antiquité sont essentiellement fragmentaires ; leurs périodes les plus anciennes sont soit obscures, soit, telles qu’ils les présentent, manifestement mythiques. Par exemple, le document ancien connu sous le nom de Liste d’éponymes royale sumérienne commence ainsi : “ La royau[té] étant descendue du ciel, [Eri]du (fut) pour la royauté. A Eridu, Alulim fut roi ; il régna 28 800 ans ; Alalgar régna 36 000 ans ; 2 rois régnèrent 64 800 ans. [...] A Bad-tibira, Enme(n)-lu-ana régna 43 200 ans ; Enme(n)-gal-ana régna 28 800 ans ; le divin Dumuzi, le pasteur, régna 36 000 ans ; 3 rois régnèrent 108 000 ans. ” — Chroniques mésopotamiennes, par J.-J. Glassner, Paris, 1993, p. 138.

Les données que nous possédons provenant des textes profanes des nations antiques ont été laborieusement assemblées à partir de bribes de renseignements glanées sur des monuments et des tablettes, ou dans les écrits ultérieurs de la période gréco-romaine des “ historiographes classiques ”.

Les archéologues ont mis au jour des dizaines de milliers de tablettes d’argile couvertes d’inscriptions cunéiformes assyro-babyloniennes ainsi que de nombreux rouleaux de papyrus en Égypte. Dans la très grande majorité des cas il s’agit de textes religieux et de documents commerciaux : contrats, factures, actes, etc. Les textes historiques, bien moins nombreux, conservés sur des tablettes, des cylindres, des stèles ou des monuments, sont essentiellement des panégyriques d’empereurs et des récits pompeux de leurs campagnes militaires.

À l'opposé, la Bible présente une histoire cohérente et détaillée qui s’étend sur environ quatre millénaires. En effet, (1) elle rapporte avec une remarquable continuité les faits depuis la création de l’homme jusqu’à l’époque du gouvernorat de Nehémia au Ve siècle av. n. è. (2) Si l'on inclut les deux livres deutérocanoniques des Maccabées, on couvre également la période Asmonéenne du IIe siècle av. n. è. Du reste, on peut aussi considérer que, (3) grâce à la prophétie de Daniel chapitre 11, elle fournit les grandes lignes de la période allant de Nehémia aux jours de Jésus et de ses apôtres.

La Bible offre une histoire vivante et authentique de la nation d’Israël depuis sa naissance, exposant avec franchise ses points forts comme ses points faibles, ses réussites comme ses échecs, son culte, vrai comme faux, ses bénédictions comme ses condamnations et malheurs. Cette honnêteté n’est certes pas à elle seule une garantie d’exactitude chronologique, mais elle donne une bonne raison d’avoir confiance dans l’intégrité des rédacteurs de la Bible et dans leur souci sincère de rapporter la vérité. Les chroniqueurs de la Bible, tels que les rédacteurs de Un et Deux Rois et de Un et Deux Chroniques, disposaient manifestement d’annales détaillées. C’est ce qu’indiquent les longues généalogies comportant des centaines de noms qu’ils furent en mesure de compiler, ainsi que la présentation cohérente et authentique des règnes de tous les rois de Juda et d’Israël exposant leurs relations avec les autres nations et les uns avec les autres. Les historiens modernes admettent aujourd’hui encore être incertains de la place à attribuer à tel ou tel roi assyrien ou babylonien, même dans les dernières dynasties. Par contre, il n’y a aucune incertitude quant à l’ordre de succession des rois de Juda et d’Israël.

Dans les Écritures, il est fait mention du “livre des Guerres de Jéhovah” (Nombres 21:14, 15), du “livre des affaires des jours des rois d’Israël” (1 Rois 14:19 ; 2 Rois 15:31), du “livre des affaires des jours des rois de Juda” (1 Rois 15:23 ; 2 Rois 24:5), du “livre des affaires de Salomon” (1 Rois 11:41), et d’autres annales ou documents officiels semblables sont cités de nombreuses fois par Ezra et Nehémia. Cela montre que les rédacteurs de la Bible ne comptaient pas seulement sur leur mémoire ou sur la tradition orale pour inscrire des renseignements, mais qu’ils faisaient des recherches minutieuses et se documentaient parfaitement. Les historiens de la Bible citent également les archives gouvernementales d’autres nations, certaines parties de la Bible ayant d’ailleurs été écrites dans d’autres pays qu’Israël, en Égypte, en Babylonie et en Perse par exemple.

Voit-on la même rigueur dans les autres sources historiques des peuples contemporains ?

3.2 CHRONOLOGIE BIBLIQUE ET L’HISTOIRE PROFANE.

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On entend souvent dire qu’il faut “harmoniser” ou “concilier” le récit biblique avec la chronologie établie à partir de textes profanes anciens. Cette démarche honorable des scientifiques et des religieux accordant beaucoup de crédit à la science, n'est pas dénuée d'intérêt. Elle permet souvent de trouver des relations entre les événements et de présenter des théories intéressantes pour améliorer notre compréhension du passé. Mais si ce travail est fait dans l'objectif de découvrir la vérité ou les faits, cela suppose qu'il est avéré que les textes profanes anciens sont incontestablement exacts et toujours fiables. Si ce n'est pas le cas, alors le bibliste est en droit, dans sa quête de vérité, d'essayer lui aussi d'harmoniser les découvertes archéologiques avec le texte saint, auquel il donne plus d'importance.

Les détracteurs de la Bible ont souvent laissé entendre que la chronologie scripturale est inférieure à celle des nations contemporaines des temps bibliques. En fait, il n’y a pas lieu de douter de l’exactitude de la chronologie biblique simplement sous prétexte que certains documents profanes divergent d’avec elle. Au contraire, c’est uniquement lorsque la chronologie profane s’harmonise avec le récit biblique qu’on est fondé à avoir une certaine confiance dans cette datation profane antique. Quand on examine les annales des nations païennes qui eurent des contacts avec la nation d’Israël, il faut se rappeler que certaines des divergences apparentes qu’on y trouve sont peut-être simplement dûes à l’incapacité des historiens modernes d’interpréter correctement les méthodes utilisées autrefois, semblable à leur incapacité d’interpréter correctement les méthodes employées par les historiens de la Bible.

Cela dit, quantité de faits attestent que les historiens et les chronologistes païens se montrèrent incontestablement négligents, inexacts, voire furent délibérément des mystificateurs.

3.2.1 L'ABSENCE DE MANUSCRITS ORIGINAUX DE LA BIBLE

Il existe des documents non bibliques antérieurs de plusieurs siècles aux plus anciennes copies manuscrites de la Bible découvertes à ce jour. Gravés sur la pierre ou écrits sur l’argile, des documents antiques sont peut-être très impressionnants, mais cela ne garantit pas forcément qu’ils sont exacts et exempts de tout mensonge. Dans le domaine de la chronologie comme dans d’autres d’ailleurs, les éléments importants qui donnent confiance ne sont pas tant le support d’écriture que l’écrivain, son but, son respect de la vérité et son attachement aux principes justes. Le grand âge des documents profanes ne compense pas la qualité largement inférieure de leur contenu par rapport à celui de la Bible.

L’absence à ce jour d’exemplaires originaux du texte biblique peut facilement s’expliquer : le texte fut de toute évidence rédigé sur des matériaux périssables, tels que le papyrus et le vélin, il était utilisé en permanence, et le climat de la plupart des régions d’Israël (différent de celui d’Égypte, extraordinairement sec) a des effets néfastes. Cependant, la Bible a été très soigneusement copiée et conservée dans son intégralité jusqu’à ce jour (1Pierre 1:24, 25). La fiabilité de la chronologie biblique n'est pas garantie par l’inspiration divine grâce à laquelle les historiens de la Bible rédigèrent leurs écrits ! — 2 Pierre 1:19-21.

Afin d’illustrer pourquoi les textes historiques profanes ne peuvent être le critère d’exactitude sur lequel juger la chronologie biblique, on peut citer C. Ceram, auteur spécialisé en archéologie, qui, à propos de la science moderne qu’est la datation historique, a écrit : “Quand on étudie l’histoire ancienne, on est frappé par la sûreté avec laquelle les historiens actuels situent dans le temps des événements qui se sont produits il y a des milliers d’années. L’étonnement se transforme en crainte respectueuse à mesure que l’examen des sources historiques révèle combien, à l’époque où les documents furent rédigés, les données étaient pauvres, inexactes ou erronées. Ces documents nous sont parvenus à l’état de fragments ; les inscriptions sont effacées par le temps ou mutilées par la main des hommes.” — Le secret des Hittites, Paris, 1955, p. 135, 136.

Puis il parle de l’ensemble de l’histoire chronologique comme d’“un squelette, un bâti autour duquel il n’y a rien”. Ce commentaire peut sembler excessif, mais si on s’en tient aux annales profanes, il n’est pas dénué de fondement.

3.3 LA CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE

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Pierre de Palerme

L’histoire de l’Égypte coïncide avec celle d’Israël à diverses reprises. Les historiens modernes se fondent principalement sur certains documents qui se présentent sous la forme de listes de rois égyptiens ou d’annales.

Il y a entre autres la Pierre de Palerme fragment qui présente ce qu’on pense être les cinq premières “dynasties” de l’histoire de l’Égypte ; le Papyrus de Turin (voir Figure 2), très fragmentaire, qui donne une liste de rois et de leurs règnes depuis l’“Ancien Empire” jusqu’au “Nouvel Empire” ; et d’autres inscriptions gravées sur de la pierre, elles aussi fragmentaires. Ces listes séparées et d’autres inscriptions indépendantes ont été placées dans un ordre chronologique à l’aide des écrits de Manéthon.

Manéthon de Sebennytos est un prêtre égyptien qui vécut sous le règne du roi grec Ptolémée Ier Soter le Lagide. Il était originaire de la ville de Sebennytos dans le delta central. Il écrivit vers 271 av. n. è ses Aiguptiaka (en 30 volumes) ou chroniques égyptiennes où il classait les pharaons en trente et une dynasties, classement suivi aujourd’hui encore par les égyptologues. Nous ne possédons, à l'heure actuelle que des citations au travers de fragments ou d'abrégés des Aiguptiaka.

Ces sources, ainsi que des calculs astronomiques fondés sur des textes égyptiens traitant des phases de la lune et du lever de Sirius (Sothis), ont servi à établir une table chronologique.

3.3.1 LES FAIBLESSES DE LA CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE.

On n’a trace des œuvres de Manéthon, qui servirent à donner un ordre aux listes fragmentaires et à d’autres inscriptions, que dans les écrits d’historiens d’époques ultérieures, comme Josèphe (Ier siècle de n. è.), Sextus Julius Africanus (IIIe siècle de n. è. ; il vécut donc plus de 500 ans après Manéthon), Eusèbe (IVe siècle de n. è.) et Georges le Syncelle (fin du VIIIe ou début du IXe siècle de n. è.).

Comme le déclare W. Waddell, leurs citations des écrits de Manéthon sont fragmentaires et souvent déformées, si bien qu’“il est extrêmement difficile de déterminer avec certitude ce qui provient de Manéthon et ce qui est falsifié ou altéré”. Après avoir montré que les textes originaux de Manéthon contenaient des traditions sans valeur historique et des légendes qui “présentaient les rois comme leurs héros, sans souci de l’ordre chronologique”, il dit : “Il y avait dès l’origine de nombreuses erreurs dans l’œuvre de Manéthon : toutes ne sont pas dues aux fautes des scribes et des réviseurs. Les durées de nombreux règnes sont apparues impossibles : dans certains cas, les noms et la succession des rois selon Manéthon se sont révélés irrecevables à la lumière du témoignage des monuments.” — Manetho, introduction, p. vii, xvii, xx, xxi, xxv.

Un ouvrage montre que les longueurs excessives de nombreuses périodes données par Manéthon s’expliquent probablement par le fait que certains règnes furent simultanés et non successifs. Il s’agit de Studies in Egyptian Chronology, par T. Nicklin (Blackburn, Angleterre, 1928, p. 39), qui dit ceci : “Les dynasties manéthoniennes [...] ne sont pas des listes de souverains de toute l’Égypte, mais des listes énumérant en partie des princes plus ou moins indépendants, en partie [...] des lignées princières d’où sortirent ultérieurement des souverains de toute l’Égypte. ”Comme le professeur Waddell (p. 1-9) le fait remarquer, “ il se peut que plusieurs rois égyptiens aient régné en même temps ; [...] il ne s’agissait donc pas d’une succession de rois ayant occupé le trône l’un après l’autre, mais de plusieurs rois ayant régné en même temps dans différentes régions. D’où le grand nombre d’années au total”.

L'un des inconvénients majeurs de la chronologie égyptienne est justement le même que celle que l'on reproche parfois à la Bible. Georges Posener dans Le dictionnaire de la Civilisation Égyptienne l’explique en ces termes : "Les Égyptiens comptaient les années pour chaque roi séparément et recommençaient le compte à chaque changement de souverain. Ils disaient : "An 5 de Ramsés", "An 20 d'Aménophis", sans se préoccuper de l'ordre de succession des pharaons. Ils ne donnaient même pas de numéros aux rois porteurs du même nom, comme nous avons l'habitude de le faire, mais distinguaient les onze Ramsès et les quatre Aménophis par différents éléments de leur protocole. Ainsi l'Egypte a eu autant de petites ères indépendantes et sans corrélation entre elles qu'elle a eu de pharaons. Comment savoir, dans ces conditions, qui, de Ramsès ou d'Aménophis, et lequel, parmi les Ramsès et les Aménophis, a régné avant l'autre ? Comment savoir à quelle époque ils ont vécu ? (…) Faute de savoir que certains règnes sont contemporains, on les enregistre les uns après les autres et on fausse le calcul. Ces raisons et d'autres encore font que le procédé indiqué, s'il donne de bons résultats pour les périodes de stabilité politique, ne permet pas d'établir une chronologie précise." – Dictionnaire de la Civilisation Égyptienne par Georges Posener, 1998, Hazan

Les égyptologues se fient davantage aux inscriptions antiques elles-mêmes. Pourtant, le soin, la véracité et l’intégrité morale des scribes égyptiens sont loin d’être au-dessus de tout soupçon. Le professeur J. Wilson écrit à ce sujet : “Il faut lancer une mise en garde concernant la véritable valeur historique des inscriptions égyptiennes. C’était un monde de [...] mythes et de miracles divins.” Puis, après avoir émis l’idée que les scribes n’hésitaient pas à jongler avec la chronologie des événements dans le but de louer davantage le monarque du moment, il ajoute : “En général, l’historien accepte ses données telles qu’elles sont, à moins qu’il y ait manifestement lieu d’en douter ; mais il doit être prêt à ne plus les accepter dès que des éléments nouveaux jettent une lumière différente sur l’interprétation précédente.” — The World History of the Jewish People, 1964, vol. 1, p. 280, 281.

3.3.2 L’ABSENCE DE RENSEIGNEMENTS CONCERNANT ISRAËL

L'absence de traces de la présence du peuple d'Israël en Egypte est souvent évoquée pour décridibiliser la chronologie biblique et surtout le récit de l'Exode. On lira souvent des sentences telles que celle-ci : «Nous n’avons pas la moindre trace, pas un seul mot, mentionnant la présence d’Israélites en Égypte : pas une seule inscription monumentale sur les murs des temples, pas une seule inscription funéraire, pas un seul papyrus. L’absence d’Israël est totale que ce soit comme ennemi potentiel de l’Égypte, comme ami, ou comme peuple asservi.» — La Bible dévoilée, les nouvelles révélations de l'archéologie, Israël Finkelstein, Neil Asher Silberman, Bayard, 2002

En effet, la plus ancienne mention des Hébreux est une stèle commémorant, à la fin du XIIIe siècle av. n. è, la victoire du pharaon Merneptah sur le peuple d’Israël en Canaan. Mais cette absence n’est pas surprenante: la fuite d'un groupe d'esclaves — comme il pouvait s'en produire de temps à autres — ne représentait surement pas un événemement honorifique pour les égyptiens. Non contents de ne pas consigner dans leurs annales les renseignements qui n’étaient pas à leur honneur, les Égyptiens n’hésitaient pas à faire disparaître les renseignements consignés par un monarque précédent s’ils n’étaient pas du goût du pharaon en place. Ainsi, après la mort de la reine Hatshepsout, Thoutmosis III fit ôter son nom et ses représentations des reliefs sculptés sur les monuments. Cette pratique explique sans nul doute pourquoi il n’existe aucune trace égyptienne, connue, du séjour de 215 ans des Israélites en Égypte ni de leur exode et que les historiens modernes situent l’Exode entre 1441 et 1225 av. n. è., une fourchette de plus de 200 ans.

Selon les chronologies egyptiennes, le XIIIe siècle av. n. è. serait marqué par le règne de deux grands Pharaons: Séti Ier (1309-1290) et Ramsès II (1290-1224). Plusieurs commentateurs ont cherché à relier un de ces deux Pharaons aux Israëlites. Ramsès II ayant fait construire des bases militaires dans le delta du Nil et que des prisonniers de guerre, des esclaves et des immigrants, surtout d'origine asiatique (tels les Sémites et les Assyriens), furent engagés pour réaliser ces travaux bien des commentateurs essaient d'y voir une preuve que ce Pharaon est bien celui de la Bible. Mais la Bible ne donne pas le nom du pharaon qui régnait à l’époque de l’Exode ; les efforts faits pour l’identifier reposent donc sur des conjectures.