Expériences de physique/Un ferrofluide en tube à essais, en soixante minutes
À compléter par des images, photos et schémas, y compris à main levée, et si possible des vidéos de l'expérience, avec et sans commentaire, à regarder dans le navigateur et à télécharger, si possible dans un format ouvert comme matroska
Un ferrofluide consiste en un liquide dans lequel peuvent évoluer librement des nanoparticules magnétiques. Celles-ci donnent au liquide des propriétés remarquables, telles qu'une forte affinité pour les régions de fort champ magnétique, et l'apparition, dans certaines conditions, de digitations spectaculaires à la surface du liquide, qui sont en interaction forte avec le champ magnétique.
Le protocole d'expérience ci-dessous a été validé le 2 juin 2015, avec des élèves de première scientifique du lycée Jean Bart (Dunkerque, France). Il s'agit d'une expérience de travaux pratiques de fin d'année, qui permet d'aborder et de récapituler de nombreux points abordés durant l'année scolaire :
- les réactions d'oxydo-réduction ;
- les calculs de dilution, les calculs de concentration, les calculs de quantité de matière ; ;
- la notion de champ magnétique ;
- la notion d'énergie d'interaction de particules dans un champ.
Matériel
[modifier | modifier le wikicode]- pour chaque groupe de travaux pratiques
- deux pipettes jetables en polyéthylène, de ;
- un gros tube à essais (), un support, un bouchon adaptés ;
- un erlenmeyer de , une tige en verre pour agiter
- de l'ammoniaque commerciale en petit flacon ;
- des éprouvettes graduées, de et ;
- trois béchers en polypropylène de .
- sur une table, pour tous les groupes
- du papier essuie-tout en rouleau, des gants en latex jetable de plusieurs tailles, des sur-lunettes de protection ;
- une réserve de solution de chlorure de fer III à 40% ;
- de la laine de fer et des ciseaux ou cisailles pour en prélever un peu ;
- des gants de jardin pour protéger la main de la personne qui coupe la laine de fer ;
- une bouteille de kérosène (aussi appelé « pétrole désaromatisé ») ;
- un ou deux aimants puissants (céramique au néodyme, champ magnétique proche du tesla).
- sous une hotte aspirante, pour tous les groupes
- un erlenmeyer de , une plaque chauffante, une tige de verre pour agiter ;
- un flacon d'ammoniaque commerciale, un flacon d'acide oléique, une pipette jetable de .
Procédé expérimental
[modifier | modifier le wikicode]Préparation de fer II à partir de fer III et de fer 0
[modifier | modifier le wikicode]On verse au fond d'un petit erlenmeyer (), de solution concentrée de chlorure de fer III et d'eau distillée, puis on ajoute un peu de laine de fer ; on agite à l'aide d'un agitateur en verre jusqu'à ce que ça commence à chauffer, puis on laisse évoluer en agitant un peu de temps en temps. Les ions sont là quand la coloration de la solution devient verte. Ils deviennent majoritaires quand cette couleur pâlit.
Préparation d'un mélange d'ions fer II et d'ions fer III dans une proportion précise
[modifier | modifier le wikicode]Le but est d'avoir presque exactement deux ions fer III pour un ion fer III afin de faire ensuite l'oxyde magnétique .
À l'aide d'une pipette en polyéthylène jetable, prélevez 0,5 mL de la solution de fer II de l'erlenmeyer, et versez les dans un gros tube à essais ; ajoutez-y 0,75 mL de la solution de fer III concentrée.
Préparation de l'oxyde magnétique par voie humide
[modifier | modifier le wikicode]En milieu basique, les hydroxydes puis les oxydes de fer se forment. On pourrait utiliser de l'hydroxyde de potassium ou de sodium pour augmenter le pH ; cependant, l'utilisation d'ammoniaque permet d'obtenir le ferrofluide dans de meilleures conditions.
L'équation de cette réaction chimique est (exercice : équilibrer cette réaction).
Pour que la magnétite soit sous forme de nanoparticules, il convient d'éviter les concentrations excessives de réactifs. Pour cela, on ajoute environ 10 mL d'eau dans le tube à essais, et on prépare 5 mL d'ammoniaque diluée avec 15 mL d'eau dans une éprouvette graduée. Ensuite, on procède à de petites additions de l'ammoniaque diluée dans le tube ; à chaque addition, on bouche et on agite vivement, puis on débouche pour procéder à l'ajout suivant.
Isolement de l'oxyde magnétique
[modifier | modifier le wikicode]À ce stade, on dispose d'une dispersion de particules fines d'oxyde magnétique de fer en phase aqueuse. La propriété magnétique permet une décantation accélérée de celle-ci.
- approcher l'aimant puissant à environ un centimètre du tube à essais, quelque part près de son milieu ;
- après quelques secondes, on voit un mouvement organisé des particules d'oxyde magnétique : celles-ci se rassemblent pour de rapprocher de l'aimant, et on peut influer sur leur mouvement collectif ;
- manœuvrer pour que les particules se rassemblent près du fond du tube ; on évitera de trop approcher l'aimant : le but n'est pas d'essorer totalement le ferrofluide (qui se comporte déjà comme tel) car il est encore instable : les particules peuvent encore s'agglomérer et grandir, ce qui n'est pas souhaitable ;
- éliminer, en versant, la majorité du liquide transparent qui surnage.
Stabilisation des nanoparticules
[modifier | modifier le wikicode]Le ferrofluide peut être considéré comme stable si les nanoparticules ne cherchent plus à s'agglomérer et circulent librement les unes par rapport aux autres.
Préparation d'un savon ammoniacal d'acide oléique
[modifier | modifier le wikicode]Sous une hotte aspirante, mettre à bouillir très doucement de solution d'ammoniaque, dans un erlenmeyer de , sur une plaque chauffante. Quand la solution frémit, ajouter en agitant, goutte à goutte, d'acide oléique. Continuer à agiter en laissant refroidir, puis réchauffer jusqu'au moment où la solution de savon (oléate d'ammonium) redevient liquide et homogène.
On couvre les nanoparticules de surfactant
[modifier | modifier le wikicode]Ajoutez un demi à un millilitre d'oléate d'ammonium au ferrofluide pour traiter la surface des nanoparticules, agiter vivement, puis laisser reposer.
Reprise du ferrofluide dans une phase organique
[modifier | modifier le wikicode]En ajoutant quelques dizaines de gouttes de kérosène, il est possible de séparer les nanoparticules de ferrofluide dont la charge électrique est nulle, ce sont les plus intéressantes. On essaiera d'extraire la fraction non chargée électriquement du ferrofluide, puis on pourra observer son comportement dans un champ magnétique.
Ajouter le kérosène, puis agiter vivement et laisser reposer. Quand l'expérience est bien menée, on observe au bout de quelques heures une très bonne séparation entre une phase aqueuse transparente et une phase organique noire. S'il n'y a pas trop de kérosène, la phase organique peut avoir une densité proche de celle de l'eau, c'est alors que les propriétés du ferrofluide peuvent être les plus surprenantes.
Observations et réflexions
[modifier | modifier le wikicode]À propos du fer III et du fer II
[modifier | modifier le wikicode]- en présence d'oxygène, le fer II est peu stable et il est facilement oxydé en fer III ;
- le fer III donne des couleurs brique-orangé ;
- les ions fer II sont incolores quand ils sont seuls ; s'ils sont en présence de traces de fer III, la couleur devient verdâtre.
Solution commerciale de fer III : à 40%
[modifier | modifier le wikicode]On peut lire sur une étiquette d'une solution concentrée commerciale de fer III, les indications suivantes :
Désignation | unités | données |
---|---|---|
Chlorure ferrique () | % massique | 39,0 - 41,0 |
Masse volumique à 20° C | 1,400 - 1,440 |
Écrivez et équilibrez :
[modifier | modifier le wikicode]- la demi-réaction d'oxydo-réduction qui correspond au couple
- la demi-réaction d'oxydo-réduction qui correspond au couple
- la réaction bilan qui résume l'action du fer III sur le fer 0, pour donner du fer II
Prouvez que :
[modifier | modifier le wikicode]- la concentration initiale des ions dans l'erlenmeyer, dès que l'eau a été mélangée, est proche de ;
- en supposant que la quantité d'eau du mélange réactionnel reste constate, on finit par avoir 10 mL d'une solution de chlorure de fer II concentrée à près de ;
- après mélange des prises de fer II et de fer III dans le tube à essai, on a environ de fer II, et le double de fer III.
À propos de la précipitation de l'oxyde magnétique de fer
[modifier | modifier le wikicode]Écriture de la réaction équilibrée
[modifier | modifier le wikicode]Pour équilibrer la réaction , le plus simple consiste à :
- ajuster le coefficient stœchiométrique de l'eau pour assurer l'équilibre en élément oxygène ;
- ajuster le coefficient stœchiométrique de l'ammoniaque, sachant que chaque molécule est en mesure de se combiner avec un proton et un seul ;
- ajuster le coefficient stœchiométrique des ions ammonium pour assurer l'équilibre de l'élément azote ;
- vérifier que les charges électriques soient équilibrées.
Pourquoi l'ammoniaque plutôt que l'eau ?
[modifier | modifier le wikicode]- on peut rechercher pour quelles raisons la molécule d'ammoniaque présente un doublet électronique non liant. Dessiner cette molécule selon la représentation de Lewis.
- rechercher dans la littérature des exemples précis d'interaction entre l'ammoniaque et des cations métalliques ; on peut commencer par l'exemple de l'interaction avec les ions cuivre II, qui donne la « Liqueur de Schweitzer » ; trouver d'autres exemples d'interactions avec d'autres cations métalliques ;
- les ions fer III et fer II forment des précipités d'hydroxyde dès que le pH s'approche de la neutralité (bien avant que celui-ci ne devienne basique), c'est pourquoi on trouve peu de littérature au sujet de complexes entre l'ammoniaque et les ions du fer. Cependant, la fabrication du ferrofluide va bien avec l'ammoniaque, mieux qu'en élevant le pH simplement avec des hydroxydes d'alcalins (NaOH, KOH). Pourquoi ?
Un surfactant autour des nanoparticules d'oxyde magnétique
[modifier | modifier le wikicode]On parle de nanoparticule pour des objets dont les dimensions n'excèdent pas 100 nm, c'est à dire typiquement plus courtes que les longueurs d'ondes visibles ; ainsi, des nanoparticules ne peuventt pas être observées individuellement au microscope optique.
Quelques ordres de grandeur pour fixer les idées
[modifier | modifier le wikicode]Supposons une nanoparticule de forme grossièrement cubique, de de côté.
- calculer le volume de ce cube
- calculer la surface de ce cube
- en supposant que deux ions de signe opposé voisins soient éloignés de près de l'un de l'autre, combien compte-t-on d'ions
- le long d'une arête du cube ?
- sur une face du cube, et sur la totalité des faces du cube ?
- dans le volume du cube ?
- refaire ces calculs pour les seuls ions fer, en simplifiant grossièrement : on considèrera qu'il y a un ion fer pour un ion oxyde.
Ces ordres de grandeur sont utiles pour la suite des réflexions.
Instabilité des nanoparticules dans l'eau :
[modifier | modifier le wikicode]- montrer comment les molécules d'eau, qui sont électriquement polaires, peuvent se disposer au voisinage immédiat d'une facette de nanoparticule. On prendra en compte l'alternance des ions positif et négatifs qui constituent la nanoparticule.
- montrer sur un schéma simple, comment deux nanoparticules avec des faces planes peuvent s'approcher l'une de l'autre et s'accrocher définitivement l'une à l'autre, après élimination des molécules d'eau qui les séparent.
Le savon, oléate d'ammonium
[modifier | modifier le wikicode]La formule topologique de l'acide oléique est celle-ci :
- donner la formule brute de l'acide oléique ;
- donner la formule brute de l'ion oléate ;
- donner la formule (ionique) du savon, oléate d'ammonium.
Mise en place des ions oléate
[modifier | modifier le wikicode]En se basant sur les ordres de grandeurs calculés plus haut, déterminer les ordres de grandeurs suivants :
- combien d'ions oléate peuvent se fixer à une nanoparticule, sachant que l'encombrement dû à la fonction carboxylate empêche de mettre plus d'un ion oléate par ion fer ?
- quel est le pourcentage (en quantité de matière, mole à mole) entre les ions fer d'une part, et les ions oléate fixés à une nanoparticule ?
- ce pourcentage sera-t-il plus élevé ou plus faible si la nanoparticule est plus grande ? Justifier le choix par un raisonnement simple.
- monter pourquoi le petit volume de savon permet de traiter toutes les nanoparticules, dans le contexte de notre expérience.
- quand on accroche des ions négatifs à une nanoparticule, il faut bien sûr y accrocher assez d'ions positifs ou larger assez d'ions négatifs autres, pour que l'électroneutralité soit respectée. Quels ions positifs peuvent se fixer à la nanopartcile dans les conditions de l'expéreince ? Quels ions négatifs autres que les oléates la nanoparticule peut-elle relarguer éventuellement ?
Bases d'explications
[modifier | modifier le wikicode]Fer II, fer III
[modifier | modifier le wikicode]On peut trouver des sels de fer II stabilisés par l'ajout d'ammoniaque, par exemple le sel de Mohr : c'est un est un solide ionique hydraté de formule chimique . Ce pendant, la fabrication du fer II en réduisant le fer III par le fer 0 est une façon élégante de préparer des ions fer II juste à temps, sans avoir à introduire des anions autres que les chlorures déjà présents.
Pour réduire le fer III en fer II, il convient d'éviter une concentration excessive ; en effet, le fer II est moins soluble que le fer III dans l'eau. On peut essayer de réduire la solution à 40% sans la diluer, pour voir l'effet.
Les oxyde de fer
[modifier | modifier le wikicode]On peut facilement observer les oxydes de fer suivant :
- , non magétique
- , non magnétique
- , magnétique
Il est facile de prouver que ces oxydes se forment respectivement (a) à partir de fer II, (b) à partir de fer III, (c) à partir d'un mélange de fer II et de fer III dans la proportion 1:2, toujours avec des anions oxyde .
Précipitation de l'oxyde magnétique
[modifier | modifier le wikicode]Si on dispose de plus de temps, il convient d'agiter vivement la solution mixte d'ions fer tout en additionnant très lentement l'ammoniaque, afin d'éviter la croissance de trop grosses particules d'oxyde. Le ferrofluide est meilleur quand les particules d'oxyde magnétique sont plus finement divisées.
Rôles du surfactant
[modifier | modifier le wikicode]Après que des ions oléates se sont fixés à la surface des particules d'oxyde magnétique, celles-ci ne peuvent plus se coller l'une à l'autre de façon irréversible. En effet, l'expulsion des ions oléates est moins facile que celle de molécules d'eau proches de la surface des particules.
- avant que les ions oléates n'entourent les nanoparticules, celles-ci sont hydrophiles ;
- après la mise en place des ions oléates, les nanoparticules deviennent lipophiles : on peut les mettre en suspension dans du kérosène, et cette suspension est stable.
Interactions entre le ferrofluide et un aimant
[modifier | modifier le wikicode]L'interaction entre une particule de ferrofluide en un champ magnétique est un cas particulier d'interaction de type électro-magnétique.
On peut assimiler une nanoparticule d'oxyde magnétique à modèle de petite boucle conductrice où circulerait sans interruption un courant continu de valeur fixe .
Dans ce cas, on peut utiliser l'approche de Maxwell, qui permet de définir une énergie potentielle magnétique, de formule , où représente le courant continu fixe, et est le flux magnétique, qui dépend de l'intensité du champ magnétique, et de l'alignement entre la direction du champ magnétique et la boucle de courant.
Après un temps bref, les particules du ferrofluide alignent automatiquement les « boucle de courant » sur la direction du champ magnétique, pour maximiser la valeur du flux , si bien qu'on peut déduire qu'en régime statique, est tout simplement proportionnelle au champ magnétique. Ceci vaut pour une nanoparticule d'oxyde magnétique.
Quand on considère une foule de celles-ci dans le ferrofluide, l'énergie volumique dépend du champ magnétique et de la densité des nanoparticules dans le fluide. De plus, quand une foule de nanoparticules est alignée par un champ externe, celles-ci contribuent à modifier ce champ, ce qui est la cause de comportements collectifs spectaculaires, comme l'apparition de digitations à la surface du ferrofluide.